AFP Les élèves du lycée Laperouse à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) lisent les instructions sanitaires, le 22 avril, après des semaines de confinement
DECONFINEMENT - Ce sont deux événements, bien distincts, qui viennent contredire la stratégie de l’exécutif sur la réouverture des écoles, point majeur du plan de déconfinement qui sera soumis au vote des députés mardi 28 avril.
En Italie d’abord. Ce dimanche 26 avril, le chef du gouvernement italien, Giusseppe Conte, a fait savoir au cours d’un entretien au quotidien La Reppublica que les écoles ne rouvriraient pas avant septembre sur la péninsule pour ne pas mettre “en jeu la santé des enfants”.
La veille au soir, en France, la publication d’une note du conseil scientifique du gouvernement disait déjà la même chose. “Le conseil scientifique propose de maintenir les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités fermés jusqu’au mois de septembre”, préconisaient le 20 avril les membres de cette instance qui conseille Emmanuel Macron. Avant de prendre acte de la “décision politique” de l’exécutif.
Bien que l’Italie soit le pays d’Europe le plus frappé par l’épidémie de Covid-19, les chiffres français (22.614 décès enregistrés le 25 avril) ne sont pas si éloignés du bilan italien qui s’élève à 26.000 morts. De même, le conseil scientifique est en général suivi par l’exécutif qui s’était par exemple appuyé sur son avis pour ouvrir les bureaux de vote lors du premier tour des élections municipales, le 15 mars.
Conséquences économiques et sociales
Alors, pourquoi ne pas suivre ces recommandations? “La crise que nous traversons a des implications qui vont au-delà du sanitaire. On réalise les conséquences du confinement sur les autres maladies, et il y a des conséquences économiques qui sont aussi très importantes”, expliquait Arnaud Fontanet, membre du conseil scientifique, sur Europe1 ce 26 avril.
Pour l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du conseil scientifique, a dit “tout à fait comprendre que le gouvernement ait des arbitrages à faire qui puissent être différents de nos positions qui elles sont strictement limitées au champ sanitaire, expliquait-il. “Pour moi ce n’est pas choquant qu’on puisse être sur certains points en porte-à-faux”, assurait le directeur de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur.
Les violences intrafamiliales ont aussi explosé depuis le début du confinement. Le Conseil scientifique reconnaît ainsi l’existence d’“enjeux sociétaux”, “en particulier pour les enfants ayant fait l’objet d’un signalement et leur famille, l’absence d’école pouvant favoriser des situations de maltraitance”.
Ce dimanche, toujours sur Europe1, le Défenseur des droits Jacques Toubon a ainsi soutenu cette réouverture des établissements scolaires car il “mesure ce que cette fermeture crée ou exacerbe comme inégalités”. Des inégalités “sociales, culturelles, économiques, qui frappent particulièrement les enfants considérés comme pauvres ou très pauvres”.
“La santé des enfants variable d’ajustement”?
En revanche, si la gestion du déconfinement et l’ouverture des écoles provoque une hausse des cas de personnes infectées et relance la propagation du virus, viendra ensuite, forcément, la critique politique. Et celle-ci a déjà commencé.
Ce dimanche 26 avril, sur Twitter, le député socialiste Boris Vallaud s’étonnait de découvrir cet avis du conseil scientifique. ”Nous apprenons que le conseil scientifique préconisait de ne pas rouvrir les crèches et les écoles avant septembre. Je comprends mieux le sentiment de gêne de son Président lorsque je l’interrogeais sur ce qui avait guidé le choix du 11 mai”, pointe-t-il en relayant une question qu’il avait posée à l’Assemblée nationale à ce sujet le 15 avril.
Nous apprenons que la Conseil Scientifique #COVID19 préconisait de ne pas rouvrir les crèches et les écoles avant septembre. Je comprends mieux le sentiment de gêne de son Président lorsque je l'interrogeais sur ce qui avait guidé le choix du 11.05... rien... https://twitter.com/borisvallaud/status/1250503953609101313 …
Plus sévère encore: le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) et ancien député LR, Lionnel Lucas, qui cite l’exemple de l’Italie toute proche et qui estime qu’“En France, la santé des enfants est une variable d’adaptation aux intérêts économiques!”. “C’est inadmissible!”, lance-t-il.
L’élu va plus loin en rappelant la décision de l’exécutif de maintenir le premier tour des élections municipales le 15 mars alors que les bars, restaurants et cinémas avaient fermé la veille. “L’histoire retiendra qu’Emmanuel Macron a suivi l’avis du conseil scientifique pour le maintien du 1er tour des élections municipales et qu’il ne l’a pas suivi pour ouvrir les crèches, écoles, collèges et lycées...”, note l’édile.
Le gouvernement sera sans doute sommé dans les prochains jours de justifier son choix et la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui reviendra sur les failles de cette gestion de crise ne manquera sans doute pas de se replonger dans ce moment critique où les arbitrages politiques sont plus importants et délicats encore que d’ordinaire.
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