POLITIQUE - C’est à n’y rien comprendre. Il y a d’abord eu la conférence de presse d’Edouard Philippe dimanche 19 avril, censée annoncer les contours du déconfinement mais qui a surtout servi à répéter les consignes de gestes barrière. Puis, il y a eu les appels à la “patience” de tous les conseillers gouvernementaux avant le plan de déconfinement qui devait être annoncé en grande pompe et “d’ici quinze jours” par le Premier ministre et son M. Déconfinement, Jean Castex.
Mais ce 23 avril, à l’issue d’une conférence avec les maires, l’Elysée, fait connaître, par voie de presse, au coup par coup et sans prévenir des clés de la stratégie de sortie de crise.
La communication au plus haut sommet de l’Etat pédalait déjà dans la choucroute depuis le début de la plus grande crise sanitaire et économique mondiale de ces dernières décennies, comme l’a montré la cacophonie autour des masques, mais, décidément, les choses ne semblent pas aller en s’améliorant.
“Je ne comprends pas ce qu’ils font”
“Je ne comprends pas ce qu’ils font”, réagissait même, à chaud, une source parlementaire proche de la majorité interrogée par Le HuffPost sur un autre sujet. Même le ministère de l’Education nationale ne s’attendait pas à l’une des annonces principales dévoilées par l’Elysée à l’AFP ce 23 avril, à savoir la réouverture des écoles “sur le principe du volontariat”.
La possibilité avait bien été évoquée par Jean-Michel Blanquer devant l’Assemblée nationale mais ”à titre d’hypothèse”, comme l’explique l’entourage du ministre au HuffPost: “Nos hypothèses étaient soumises à deux points: les mesures sanitaires et les arbitrages du Premier ministre. Le Président de la République a apporté un éclairage supplémentaire”.
"C'est comme avant un accouchement: plus on a de contractions, plus on se dit que ça fait mal, ça fait désordre et on transpire"Une source ministérielle
Un ”éclairage supplémentaire” qui s’apparente surtout à un arbitrage dès lors qu’il est émis sans conditionnel et qu’il vient directement du Château. Une méthode qui interroge quand on sait que Matignon planchait sur un plan “dans le plus grand secret”, selon plusieurs sources interrogées cette semaine, et que les ministres n’étaient pas autorisés à en dévoiler les contours.
Un changement de pied, également, dans l’articulation de la communication entre l’Elysée et Matignon. Jusque-là, Emmanuel Macron s’attachait à réaliser les grands arbitrages devant les Français à 20 heures pendant que son Premier ministre organisait le tout, dans une stricte application des principes de la Constitution.
“On est dans un moment de pression”
Alors que se passe-t-il? “On est dans un moment de pression où chacun tire sa conviction avant une décision du Premier ministre qui sera importante et où des éclairages seront donnés”, analyse-t-on, poliment, dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer. “Ça ne semble pas coordonné avec Matignon”, dégaine, plus directement, une autre source ministérielle, avant d’ajouter: “C’est comme avant un accouchement, plus on a de contractions, plus on se dit que que ça fait mal, ça fait désordre et on transpire”.
“Le Président de la République parle quand il veut, c’est l’esprit des institutions. Il n’y a pas d’écart entre eux”, relativise l’entourage d’Edouard Philippe auprès du HuffPost. Il n’empêche, ces “annonces” inattendues et orchestrées par l’Elysée ajoutent de la confusion à une communication gouvernementale qui n’en avait pas besoin et n’apportent pas, à part sur l’école, beaucoup d’éclairages.
Feuille de cigare
Parmi les autres “fuites”, l’Elysée fait savoir que le déconfinement ne serait pas “régionalisé” mais qu’il s’adaptera aux “réalités de chaque territoire”. Comprenne qui pourra. Invité de BFMTV le jour-même, le président de la région Normandie, Hervé Morin, tente de faire des sous-titres. “Il y a beaucoup d’incertitudes. J’ai compris que nous aurions des critères nationaux avec des critères régionaux, ce qui correspond à ce que nous avions dit”, ironise à moitié le centriste.
Quant à la question des masques, Emmanuel Macron juge utile de rappeler comme l’avait fait son Premier ministre quelques jours auparavant, que ceux-ci seront “probablement obligatoires”. Un conditionnel qui n’a pas valeur d’information.
Souvent interrogé par le passé sur la relation du couple exécutif, l’entourage d’Edouard Philippe avait pour habitude de répéter: “Il n’y a pas une feuille de papier à cigarette entre eux”. Là, les mots ne sont plus aussi forts et l’écart semble se creuser. C’est peut-être devenu une feuille à cigare.
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