
Récit L'ex-banquier de Reyl, Pierre Condamin-Gerbier, a refusé d'en dévoiler les noms, lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac.
La commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Cahuzac a poursuivi ses auditions ce mercredi, en recevant le gestionnaire de fortune Pierre Condamin-Gerbier, ancien associé-gérant de la fameuse banque Reyl, qui hébergeait le compte de l’ex-ministre du Budget de 1998 à 2009. Ce dernier avait fait une déposition très remarquée devant les sénateurs il y a une quinzaine de jours, décrivant avec minutie les nombreux rouages de la fraude fiscale et annonçant qu’il avait en sa possession une liste contenant les noms d’une quinzaine de personnalités politiques, dont des ministres de gauche et de droite, qui auraient, selon lui, des comptes non déclarés en Suisse.
Interrogé dès les premières minutes de l’audition sur cette liste, l’ex-cadre de Reyl a déclaré avoir transmis à la justice les dossiers et «les éléments d’information dont j’ai fait état dans les médias depuis quelques semaines.» Refusant de dévoiler les noms et faisant face à l’agacement des députés l’interrogeant, celui qui se définit comme un simple «praticien» bancaire a estimé qu’il ne pouvait le faire devant cette «organisation», car des «gens sont juges et parties à l’intérieur du Parlement».
Fin mai, une information judiciaire a été ouverte pour «blanchiment de fraude fiscale» visant l’établissement Reyl, à la suite des déclarations de son ancien gestionnaire, entendu comme témoin dans l’enquête sur l’affaire Cahuzac. Elle a été confiée aux juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui conduisent déjà l’enquête Cahuzac.
Mauvaise volonté
En préambule, l’ancien gestionnaire de l’établissement suisse a raillé le nom de la commission d’enquête, officiellement intitulée comme «relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du gouvernement [...] dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d'un membre du gouvernement».
«Je souris à la lecture du mot "éventuels", a-t-il lancé. Je défie quiconque ayant cinq à dix ans d’expérience dans la gestion de fortune de ne pas avoir - sauf à être de mauvaise fois ou totalement inexpérimenté - constaté des pratiques réelles de dysfonctionnements touchant toute une partie du personnel politique français à titre personnel ou au titre des partis qu’ils représentent.»
Témoignant sous serment, Pierre Condamin-Gerbier a assuré qu’il ignorait l’existence du compte de Jérôme Cahuzac dans les «livres» de Reyl, à l’époque où il travaillait pour l’une de ses filiales. Il était même «persuadé» qu’il n’y avait pas d’affaire Cahuzac au moment de la révélation de l’affaire par Mediapart. C’est seulement en lisant un article du quotidien Suisse Le Temps, daté du 13 décembre 2012, qui dévoilait le nom de l’interlocuteur de Jérôme Cahuzac sur le fameux enregistrement téléphonique datant de 1999 que l’ex-cadre financier jure avoir fait la connection avec la banque Reyl. L’auteur du scoop, le journaliste Sylvain Besson, y identifie Hervé Dreyfus comme la personne à qui l’ex-ministre du Budget s'entretient sur sa volonté de fermer son compte en Suisse. Ce dernier est le demi-frère de Dominique Reyl, et un associé notoire de l’établissement bancaire.
Pour Condamin-Gerbier, le fait que les autorités françaises ne fassent pas le lien entre Dreyfus et Reyl semble indiquer une signe manifeste de mauvaise volonté : «Je mets au défit quiconque de mettre le nom de M. Dreyfus dans un moteur de recherche et de ne pas comprendre le lien avec la banque Reyl. Comment se fait il que l’administration française ne cherche pas à identifier qui est Hervé Dreyfus ?»
Aveuglement
Le banquier, arborant comme lors de sa première audition un costume clinquant et une cravate rose pâle, a réaffirmé que si la question des autorités françaises au sujet de l’existence du compte de Cahuzac avait été libellée correctement auprès de la Suisse, la réponse d’UBS aurait été positive. «Il me semble qu’on a volontairement posé les questions pour avoir les réponses qu’on souhaitait obtenir», a-t-il conclut.
Le gestionnaire de fortune affirme par ailleurs que le PV de son audition par la brigade financière le 20 février, soit une dizaine de jour après l’ouverture de l’enquête préliminaire, s’est retrouvé «dans les heures qui ont suivi» sur le bureau du ministre de l’Intérieur. Malgré les éléments «précis» et «techniques» qu’il transmet aux enquêteurs, il s’étonne qu’une deuxième demande, plus pertinente, ne soit adressée aux autorités suisses. «Il n’y a pas plus aveugle qu’une personne qui ne veut pas voir», répète-t-il, soulignant que la formulation de la réponse d’UBS aux autorités françaises, en précisant qu’elle est limitée à la période 2006-2009, sous-entend l’existence du compte caché du ministre du Budget.
«A mon avis, cet alinéa est tout sauf une figure du style. explique-t-il. Je pense qu’UBS, connaissant la sensiblité du client, a dû vouloir se protéger pour ne pas être ensuite accusé de mentir. C’est une protection juridique avant tout. C’est aussi un clin d’œil ou un appel du pied dans une période où UBS se sait dans les fourches caudines françaises et veut montrer, peut-être, une forme de bonne volonté ou de coopération.»
Cahuzac a protégé hsbc la banque de son frère !
Pour expliquer la posture de déni farouche du ministre du Budget à l'époque, le banquier avance l’hypothèse que «Cahuzac a eu la certitude intellectuelle qu’on ne trouverait rien».
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