Connaissez-vous le logo de Wikileaks ? Si ce n’est pas le cas, figurez-vous un sablier. A la place des grains de sable, deux cartes du monde. L’une, d’un bleu foncé virant au noir, occupe toute la partie supérieure. En-dessous, la même carte à l’origine mais à laquelle il manque une bonne partie de l’Europe et de l’Eurasie. Des gouttes (océaniques, probablement ?) très sombres dégoulinent du haut détrempant la partie nordique de son homologue du bas.
Ah ! J’oublie ! S’il manque quelque chose à cette carte, il s’agit bien du continent américain. On ne le voit nulle part. On ne le devine pas. Moultes interprétations viennent à l’esprit, à savoir celle – la plus évidente – de la représentation des USA en gouttes destructives qui rongent la matière telles un acide particulièrement agressif. L’idée de menace est transmise d’une façon que je dirais typique par le biais du noir, couleur de la mort, du deuil, du Mal dans sa connotation la plus large. Derrière ce logo porteur d’un message extrêmement fort se cache un certain australien … Julian Assange, spécialiste en programmation informatique et, je n’hésiterais pas à employer le mot, philosophe par conviction, ce qui vaut doublement. Désireux d’exorciser, pour autant que cela soit possible, ce qu’on a baptisé d’« asymétrie d’information » ou asymétrie informationnelle, Mr. Assange s’est donc fait fort de créer une association à but non lucratif rattachée à un site Web lanceur d’alerte. En novembre 2010, lorsque les USA commencèrent eux aussi à lancer leur propre alerte contre un site aussi peu commode que celui de Wikileaks, le fondateur de ce dernier a vite fait de riposter en invoquant des principes d’ordre axiologique. Voici un bref extrait de son discours : « Les principes généraux sur lesquels notre travail s’appuie sont la protection de la liberté d’expression et de la diffusion par les médias, l’amélioration de notre histoire commune et le droit de chaque personne de créer l’histoire. Nous dérivons ce principe de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. En particulier, l’article 19 inspire le travail de nos journalistes et volontaires ». Le droit de chaque personne de créer l’histoire ! Phrase intéressante qui prête à croire, ou plutôt à espérer, que l’histoire se crée dans une dimension aussi bien universelle que personnelle, qu’elle ne se subit pas. Or, l’asymétrie informationnelle que nous subissons exclut d’emblée toute approche créative. Il existe une puissance qui tire les ficelles. Une seule. Sa virtuosité consiste à créer des illusions qu’elle s’ingénie à faire passer pour la réalité, à en nourrir les autres puissances qui ne sont que puissances économiques, point idéologiques, à les forcer à digérer, sourire approbateur aux lèvres, le contenu ingurgité. Tout est illusion, labyrinthe sans issue tapissé de miroirs déformants. Du dollar, tapé à la machine, aux mobiles des croisades entreprises au Proche-Orient. Or, voici qu’un humble programmeur, regard insolent, chevelure prématurément blanche, un australien sorti on ne sait trop d’où … ose s’incruster dans le labyrinthe et briser les illusions qui le hantent. Assange au pays des merveilles ! Et qui est le lapin dans toute cette histoire ? Je suis au plaisir de vous présenter le jeune Bradley Manning, 22 ans au moment des faits, « accusé d’avoir transmis à Wikileaks différents documents militaires classés secret défense ». Selon le rapport tout à fait neutre de Wikipédia, « certains le (B.Manning) voient comme un criminel, d’autres, comme un lanceur d’alerte » garant de la démocratie. A noter que Manning se trouve actuellement en détention et n’a pas encore été jugé. Selon les USA, le duo Assange-Manning est allé loin. Beaucoup trop loin. Voici un exemple caractéristique de leurs égarements droit sorti des « Afghan war Diaries », ce qui se traduit comme « Les carnets de guerre afghans ». Stupeur assurée ! Le terroriste numéro un, Oussama Ben Laden, mort dans son lit en 2001 d’une urémie chronique et non pas abattu quelques années plus tard contrairement à ce que les USA ont tâché de nous prouver, n’était autre qu’un agent des services de renseignements étasuniens qui à l’époque de la Campagne d’Afghanistan voulait faire face à l’intervention soviétique sur son territoire. Son intention coïncidant point par point avec les intérêts des USA, Oussama et le Pentagone se risquèrent à entrer en coopération. Or, une fois le pays libéré, Oussama tourna insolemment le dos à une puissance dont il n’avait plus besoin et qui, au surplus, incarnait ce qu’il y a de plus détestable aux yeux de l’islam pur. On comprend dès lors mieux les motifs de l’intervention étasunienne en Afghanistan contre ces grands méchants barbouzes de talibans qui n’ont aucune notion de la démocratie à l’américaine. On comprend dès lors mieux le sort malheureux de l’Irak, envahi non seulement à des fins d’intérêt pétrolier qu’à une fin en parallèle vindicative. Tous les autres arguments brandis par les USA ne sont qu’affublement dérisoire et ne démontrent explicitement qu’une chose : l’inimaginable amoralisme d’un état qui excelle à prendre des allures de noblesse. Suite aux précieuses révélations de Wikileaks, le Pentagone n’a même plus besoin de mentir ! Le voici dans tout son éclat qui menace ouvertement l’Iran au cas où celui-ci aurait l’audace de se munir d’une bombe atomique. Or, en vertu de quoi Ahmadinejad s’en dispenserait sachant qu’Israël en a plus d’une depuis belle lurette ? Deux poids deux mesures ? Mais oui ! Washington n’a même plus à se dissimuler derrière des arguments imbus d’humanisme. Dispensé de cette corvée assommante, c’est précisément à Mr. Assange qu’il devrait dire merci. Idem pour bien d’autres scénarios montés de toutes pièces par le noir génie d’une puissance baignant dans l’impunité et les larmes des autres nations : la Lybie, pour ne citer qu’un exemple, dont le dirigeant officiel, le malheureux Kadhafi, a été présenté comme l’ennemi de son propre peuple, alors donc que les conflits intertribaux auxquels se sont raccrochés les USA ont toujours existé !
Le fait qu’Assange ait eu l’idée de lancer l’alerte en soulevant le rideau d’un illusionnisme ambiant entraîne une double conséquence :
- Les USA ont joué cartes sur table. A force de fourvoyer les autres nations par le pouvoir d’un leurre informationnel douillettement ancré dans la tradition de l’après-guerre, l’Outre-Atlantique a sombré dans des excès criminels dictés par la volonté non moins criminelle de vivre ou, du moins, de survivre aux dépens de … Des gens de l’acabit d’Assange pour lesquels j’éprouve un respect infini se sont insurgés contre une habitude profondément perverse qui n’a que trop duré. Par des voies certes illégales, Wikileaks nous a fait entrevoir une vérité bien dure, antidote au venin médiatique étasunien.
- La vérité ayant éclaté, les principes de désinformation des USA étant maintenant bien connus, ces derniers n’ont plus aucune raison de se cacher derrière leurs plus fins arguments. D’où la probabilité d’un durcissement général du programme d’ingérence, d’où l’inquiétude accrue que suscite l’avenir de la Syrie.
Quant à Mr. Assange, on lui doit une fière chandelle. Un nouveau type de martyr vient d’apparaître : celui de l’information dans toute son objectivité écrasante. source
Une accusation contre Assange est protestable
Affaire Assange : l'Equateur réclame des excuses publiques à Londres