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Cet été marquera-t-il un tournant dans l'éternel combat que se livrent race humaine et ordinateurs? Le 23 juin dernier, un programme informatique est, sans tambour ni trompette, passé à un cheveu de réussir le test de Turing, une forme de jeu mis au point il y a plus de soixante ans par le mathématicien Alan Turing et censé évaluer le degré d'intelligence artificielle. À lire dans "The Telegraph".
Certes, la performance n'aura pas de conséquence aussi désatreuse que l'avènement de "Skynet" dans "Terminator" ou les caprices de CARL dans "2001, l'Odyssée de l'espace". Mais il s'agit du signe du comportement de plus en plus humain des machines et de leur progression dans l'art de parler, chose qui nous semble naturelle mais qui a toujours été un formidable défi pour les ordinateurs.
"Jeu d'imitation"
Lorsqu'Alan Turing a mis au point en 1950 (soit quatre ans avant sa mort) le test de Turing, qu'il appellera "le jeu d'imitation", les ordinateurs étaient de simples machines et le terme "Intelligence Artificielle" n'en était qu'à ses balbutiements. Déjà à l'époque pourtant, scientifiques et philosophes se demandaient jusqu'où les "nouvelles technologies" les mèneraient et, en particulier, si les machines seraient capables de "penser"? Si Turing apportait peu de considération à cette question, il préférait concentrer sa réflexion sur la faculté des ordinateurs à parler. Peuvent-ils parler? Peuvent-ils entretenir une conversation suffisante pour se faire passer pour un humain? Si tel était le cas, Turing en concluait que nous pouvions, à un certain degré, considérer les machines comme "intelligentes".
30% trompés
Son test confronte des humains avec une entité invisible, qui peut être humaine ou artificielle. Si à l'époque, Turing utilisait un téléscripteur, le test est désormais effectué avec un traditionnel logiciel de "chat". Le juge désigné doit déterminer, au terme d'une conversation de cinq minutes, si son interlocuteur est une personne ou une machine. Turing prédisait qu'en l'an 2000, la probabilité de voir un ordinateur tromper un juge oscillerait autour de 30%. Une prévision bien optimiste au vu de l'incapacité des logiciels à tromper leur interlocuteur humain. Mais voilà, ce qui ne s'était jamais produit a été très proche de réussir en juin dernier.
"Eugène", ado de 13 ans
Le "Turing Test marathon" organisé pour le centenaire de la naissance du mathématicien (décédé en 1954) confrontait 29 juges à 25 "humains invisibles", installés dans une pièce voisine, qui conversaient via un logiciel imitant l'intelligence humaine et la faculté de parler. Quelques 150 conversations séparées eurent lieu. Le programme gagnant, développé par une équipe russe et baptisé "Eugène", a tenté d'imiter la personnalité d'un jeune garçon de 13 ans. Il est parvenu à tromper 29,2% des juges, soit un rien en-dessous du seuil de 30% établi par Turing. Est-ce à dire qu'un ordinateur pourra un jour se substituer à l'être humain? Ou "l'imiter"? Les scientifiques et philosophes qui étudient la question se montrent partagés.
Conscience
Pour certains, le test de Turing démontre plus une capacité d'une machine à tromper un humain qu'à vraiment se substituer à lui. "Ils vous font croire qu'ils comprennent quelque chose, alors qu'ils ne le font pas", considèrent-ils, comparant le test de Turing à un test rugueux de la compréhension et de l'intelligence. Ils ajoutent que l'absence de conscience des machines ne réduit leur performance qu'à du bavardage. Le professeur Penrose de l'Université d'Oxford a longtemps soutenu que les ordinateurs manquent d'une chose indéterminée mais utile à la prise de conscience nécessaire pour rendre possible une conversation intelligente.
Pour d'autres, justement, la différence entre les machines et les humains n'est qu'une forme de complexité. Le philosophe Daniel Dennett, de l'Université de Tufts dans le Massachussetts, considère qu'il "n'est pas impossible qu'un robot développe une conscience. Selon lui, le cerveau humain n'est rien d'autre que l'arrangement le plus élaboré connu de la matière dans l'univers. Et au professeur de l'Institut de cognition humaine et la machine de Pensacola, Pat Hayes de conclure. "Selon nous, le test de Turing a été réussi. Si vous aviez présenté le logiciel "Siri" à quelqu'un de 1950, il serait convaincu qu'il serait en train de parler à un être humain. Il n'aurait jamais pu croire qu'il conversait avec une machine car aucune machine ne pouvait faire de telles choses à cette époque-là. En fait, je pense que nous avons réussi le test, mais nous ne mesurons pas ce que cette réussite va impliquer". source
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