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La fille adoptive de Woody Allen l'accuse d'agression sexuelle - MOINS de BIENS PLUS de LIENS
© afp. La fille adoptive de Woody Allen a accusé samedi le réalisateur de l'avoir sexuellement agressée quand elle était enfant, s'exprimant pour la première fois publiquement sur des rumeurs...
A 29 ans, Ronan Farrow a déjà eu plusieurs carrières: diplomate, activiste, avocat.
Il est aussi fils de stars. Son père est Woody Allen. Sa mère Mia Farrow. Un couple orageux dont la rupture en 1992, lorsque le cinéaste est tombé amoureux de la fille adoptive de l’actrice, a fait les délices de la presse new yorkaise.
Et aujourd’hui, il est le « tombeur » de Harvey Weinstein. C’est lui qui, mardi, a publié dans le New Yorker les révélations qui ont transformé en « paria » (comme dit Time magazine) l’un des hommes les plus puissants de Hollywood.
S’il s’est saisi avec autant de détermination de cette affaire, c’est aussi parce qu’elle évoque un sujet qui reste pour lui douloureux: les abus sexuels dans le milieu du cinéma et la loi du silence qui les entoure.
Ronan Farrow n’a jamais pardonné à son père ce qu’il appelé une « transgression morale »; au point d’abandonner le prénom que le réalisateur lui avait choisi à la naissance -Satchel, comme son joueur de base ball favori Satchel Paige.
Depuis des années, le jeune homme continue à défendre Dylan, une autre de ses soeurs adoptives qui a accusé Woody Allen de l’avoir agressée alors qu’elle avait 7 ans.
Avec leur mère Mia Farrow, la tribu fait corps à chaque fois que le réalisateur de Annie Hall est invité quelque part pour un hommage.
En 2014, lorsque Woody Allen a reçu un Golden Globe à Hollywood pour l’ensemble de sa carrière, Dylan a relancé ses accusations dans le New York Times.
L’année suivante, lorsque son père a présenté son film Irrational Man à Cannes, Ronan Farrow a signé un texte dans le Hollywood reporter qui expose son analyse de la couverture -ou la non couverture- par la presse des accusations d’abus sexuels et de la difficulté des victimes à être écoutées.
Quand Ronan-Satchel est né en décembre 1987, la famille baignait dans un mélange de bohême multiethnique et de snobisme new yorkais caractérisé (A la maternelle, le petit Satchel avait déjà un psychiatre).
Très jeune, il était familier des gros titres et des paparazzi. Ses grands-parents étaient l’actrice irlandaise Maureen O’Sullivan, la Jane du Tarzan Johnny Weissmuller, et le réalisateur australien John Farrow, autre couple en dysfonctionnement chronique (et alcoolisé).
Ronan a toujours été surdoué. A 15 ans, il sortait du Bard College, le plus jeune diplômé (en biologie et philosophie) de l’histoire de l’université.
A 16 ans, il était admis à la faculté de droit de Yale. A 21 ans, il passait le barreau de New York, tout en travaillant dans le droit humanitaire à la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants. « Je brûlais de faire mes preuves », a-t-il dit au magazine Esquire. Loin de « l’ombre imposante de parents célèbres ».
A 23 ans, il rédigeait les discours de Richard Holbrooke, l’envoyé spécial de Barack Obama pour l’Afghanistan. Après la mort du diplomate, il est devenu le conseiller à la jeunesse de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Le gamin n’avait que 5 ans quand il a été pris dans le tumulte du divorce de ses parents. Mia Farrow, l’héroïne du Rosemary’s baby de Polanski, avait toujours mené une vie hors du commun.
A 21 ans, elle avait épousé Frank Sinatra qui en avait trente de plus. En deuxième mariage, le compositeur et chef d’orchestre André Previn.
Woody Allen l’a fait tourner dans treize de ses films, de Zelig à La Rose pourpre du Caire; ils sont restés douze ans ensemble mais ils ne se sont jamais mariés.
Militante passionnée, courant d’expéditions humanitaires en séjours au Darfour, Mia Farrow a adopté 11 enfants, parmi les plus déshérités de la terre: Moses, le Coréen atteint de paralysie cérébrale; Quincy, née d’une mère afro-américaine toxicomane; Minh, aveugle, adoptée au Vietnam. Suraj, le paraplégique abandonné dans une gare à Calcutta, « arrivé chez nous à 10 ans, sans parler le moindre langage, et devenu le plus débrouillard de nous tous… »
C’est cette cohabitation qui a donné à l’adolescent le sens de l’empathie pour les victimes.« J’ai toujours su ce que c’était que de donner une voix aux jeunes qui n’en ont pas, les handicapés, les déshérités, tous ceux qui sont issus des quartiers marginalisés de nos sociétés ».
En 1992, la tribu – et l’industrie cinématographique – ont été secouées par un tremblement de terre lorsque Mia Farrow a découvert chez Woody Allen des photos d’une de ses filles adoptives, nue.
Soon-Yi Previn, 21 ans, avait été adoptée en Corée à l’âge de 8 ans par Mia et André Previn. Elle avait trente-cinq ans de moins que le cinéaste.
La liaison a fait scandale. Dylan, 7 ans, n’a plus voulu voir son père adoptif . Satchel s’est fait appeler Ronan et il a coupé les ponts lui aussi avec le réalisateur.
Le traumatisme n’a jamais disparu. Pour la Fête des pères 2012, Ronan a publié un tweet sardonique. « Bonne Fête des pères. Ou, comme on dit dans ma famille, bonne fête des beaux-frères. » Mia Farrow, qui est une tweeteuse aussi acharnée que son fils, a applaudi : « Boum!».
L’année suivante, elle a laissé courir le bruit que Franck Sinatra serait « peut-être » le père de Ronan.
Aussitôt, certains ont cru voir dans le regard bleu du jeune homme, une ressemblance avec « Ol’ blue eyes » (le surnom de Sinatra). L’intéressé s’est contenté d’une ligne ironique: « Nous sommes tous « peut-être » le fils de Frank Sinatra »…
En 2013, après le département d’Etat, Ronan Farrow a été recruté par MSNBC, la chaîne cablée, pour une émission de l’après-midi censée s’adresser aux « millenials ».
L’avocat-diplomate était trop sérieux. L’émission n’a duré qu’un an. Depuis 2015, il reste sous contrat avec NBC pour des grands sujets d’investigation.
L’enquête sur les abus sexuels commis par Harvey Weinstein lui a pris 10 mois. Il a réussi à convaincre deux femmes de témoigner à visage découvert, accusant de « viol » le fondateur de Miramax. Une troisième a conservé l’anonymat.
Au-delà de Harvey Weinstein, l’enquête démonte le système de couverture des abus sexuels à Hollywood, par la presse, les agents, les intermédiaires chargés des relations publiques, le tout aboutissant à une « culture d’acquiescement ».
Pourquoi a-t-il choisi de publier son scoop dans le New Yorker plutôt que sur la chaîne qui l’emploie ?
Mercredi, les responsables de NBC ont réfuté avoir refusé son enquête par crainte de nuire à un homme aussi influent qu’Harvey Weinstein dans le monde du cinéma et des medias. L’enquête n’était « pas publiable en l’état», ont-ils affirmé. Les témoignages n’étaient pas « finalisés » .
Interrogé -sur la même chaîne MSNBC- par l’intrépide Rachel Maddow- Ronan Farrow a réfuté cette explication, soulignant que le New Yorker avait immédiatement accepté le dossier.
Il s’est néanmoins gardé d’accuser directement la chaîne d’avoir cédé à des pressions. “Ce que je peux dire c’est que pendant des années, de nombreux médias ont tourné autour de l’histoire et subi de lourdes pressions» , s’est-il borné à indiquer.
Dans son texte de 2015 au Hollywood reporter (« Mon père Woody Allen et le danger des questions non posées »), Ronan Farrow estime que la presse ne saurait s’exonérer de l’écoute des victimes au motif qu’il n’y pas de plainte criminelle.
« Notre rôle est encore plus important quand le système légal ne remplit pas sa mission auprès des vulnérables qui sont confrontés aux puissants », écrit-il .
« Souvent les femmes ne peuvent pas ou ne veulent pas porter plainte. Le rôle d’un reporter est celui de porteur d’eau pour elles». Ce qui signifie de risquer de « couper les ponts » avec les gens importants et de confronter « les fans et les agents publicitaires en colère. »
Mais selon lui, une nouvelle génération de nouveaux médias, « libérés des années de journalisme d’accès», commence à couvrir les agressions sexuelles commises par les puissants. « Les choses changent », assure-t-il.
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