Anna Politkovskaïa. AFP/DDP/Jens Schlueter
Par Antoine LAMBROSCHINI
MOSCOU
Les proches de la journaliste russe d'opposition Anna Politkovskaïa commémorent vendredi son assassinat il y a cinq ans, un crime qui n'a toujours pas été élucidé, le commanditaire n'ayant jamais été identifié, malgré de récentes arrestations.
Le Comité d'enquête de Russie a annoncé que Lom-Ali Gaïtoukaïev, un homme originaire de Tchétchénie, et un ancien policier, Sergueï Khadjikourbanov, seront inculpés vendredi d'assassinat en groupe organisé.
Les deux individus étaient déjà en détention et poursuivis dans le cadre de cette affaire.
Selon les enquêteurs, M. Gaïtoukaïev a "reçu en juillet 2006, en échange d'une rémunération, l'ordre de tuer la journaliste" du journal d'opposition Novaïa Gazeta.
A cette fin, il a recruté un lieutenant-colonel de la police de Moscou, Dmitri Pavlioutchenkov (arrêté fin août), l'ex-policier véreux Sergueï Khadjikourbanov et les frères tchétchènes Roustam, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov.
M. Pavlioutchenkov est accusé d'avoir assuré la logistique de l'assassinat. Roustam Makhmoudov serait le tireur, et les autres sont poursuivis en tant que complices.
Sergueï Khadjikourbanov et les frères Makhmoudov avaient été acquittés à l'issue d'un procès en 2009. Roustam Makhmoudov, en fuite à l'époque, a finalement été arrêté en mai.
En 2010, la Cour suprême russe a renvoyé l'affaire au parquet et l'enquête a repris avec les mêmes suspects.
Mais les enquêteurs n'ont pas pour autant identifié le mobile et le commanditaire du meurtre, tout en admettant que la journaliste a été tuée en raison "de son activité professionnelle".
Malgré ces lenteurs, l'employeur de Politkovskaïa, le journal Novaïa Gazeta estime que les coupables finiront par être jugés et condamnés.
"Ce n'est pas un espoir, c'est une certitude. Tôt ou tard on trouvera le commanditaire", a déclaré à l'AFP, Nadejda Proussenkova, de Novaïa Gazeta.
Par ailleurs, quelques Moscovites ont déposé vendredi des fleurs sur le site du meurtre et le journal lance une pétition pour que la mairie de Moscou finance une plaque à la mémoire de la journaliste. Les signatures seront remises au maire Sergueï Sobianine, un proche du Premier ministre Vladimir Poutine.
L'ex-dissidente soviétique et défenseur des droits de l'homme, Lioudmila Alexeeva est, elle, beaucoup moins optimiste quant à la réalité des efforts des autorités pour identifier tous les coupables.
"Je doute fortement que le commanditaire soit identifié un jour", estime-t-elle, estimant que "les structures de l'Etat (...) ne trahiront jamais l'un des leurs".
Critique acerbe du pouvoir et notamment des exactions commises en Tchétchénie, Politkovskaïa a été tuée de cinq balles dans son immeuble moscovite le 7 octobre 2009, jour de l'anniversaire de Vladimir Poutine. Certains voient dès lors dans cette date un symbole plus qu'un hasard.
Trois jours après le crime, M. Poutine s'était, lui, attiré bien des critiques, en qualifiant la journaliste d'"extrêmement insignifiante".
Les ONG de défense de droits de l'homme ont à de multiples reprises accusé le régime russe d'être responsable de ce meurtre et d'autres assassinats non élucidés, estimant que les autorités ont créé un climat d'impunité pour les tueurs de journalistes.
"En Russie, les journalistes, les militants pour les droits de l'homme et de la société civile sont visés et souvent assassinés en raison de leur travail. C'est intolérable. Et ces attaques ne font pas l'objet d'enquêtes impartiales et complètes", a dénoncé Amnesty International dans un rapport vendredi.
Le porte-parole de M. Poutine, Dmitri Peskov, a balayé ces reproches et le caractère symbolique de la date du meurtre, dans une récente interview.
"Les gars, vous devez être fous pour associer ça à Poutine", a-t-il déclaré à l'antenne de la chaîne télévisée en ligne, Dojd.
Source : AFP
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