Deux victoires de l'OM suffisent-elles à faire oublier une semaine de violence?
Contre le PSG, l'OM a pris les trois points. La semaine qui a suivi a fait pleuvoir les plombs par trois fois. Vitrolles dès dimanche soir. Saint Just lundi. Saint Antoine jeudi. Trois rafales de Kalachnikov pour un bilan de trois morts, plusieurs blessés, dont un policier blessé à la tête. « Presqu'un miracle, un des collègues a vu une balle lui traverser l'épaulette de son uniforme de part en part», lâche un haut flic de la sûreté départementale, dans une voix où perce agacement, incrédulité...et un brin d'appréhension. «Les gilets pare-balles ne servent à rien face aux kalach...et évidemment la tête n'est pas protégé.» Ni vraiment rassurée par la double descente du ravi de l'Intérieur, Claude Guéant, auteur de la meilleur galéjade de la semaine. «Le climat de sécurité s'améliore à Marseille» a osé lundi l'ancien directeur général de la police nationale de Pasqua. Sans oser bisser vendredi.
Le ballet des bleus ravit Gaudin et Mennucci
«C'est peut-être vrai que le climat s'améliore, mais uniquement dans le centre ville», confie le gradé. Des cars de CRS stationnent en permanence sur le Vieux Port, côtoyant les poissonniers qui font le ravissement des médias. Parfois la cohorte remonte la Canebière, vers le grand commissariat de Noailles. Un tour de circuit, nouveau promène couillon qui transite sous le balcon du maire UMP de la ville, Jean-Claude Gaudin, quai des Belges, pour s'achever devant les fenêtres du maire socialiste du Ier secteur, Patrick «Boum Boum» Mennucci. Les deux plus grands hâbleurs de la scène politique marseillaise ont pris l'habitude de s'écharper. Motif de discorde de la semaine: la ligne à grande vitesse (LGV). Mais pas la sécurité. Une cure médiatique inhabituelle…
«Bah, les deux sont contents, ils ont du bleu devant chez eux», raille un élu rose local. La présence des policiers n'a pas dissuader un braquage de bijouterie à Noailles, ni une tentative rue de Rome dans la semaine. «On les a attrapés ceux là, mais ça va tellement vite qu'à deux minutes près on pouvait les rater, il ne faut pas croire qu'en mettant des policiers partout, on va arrêter la violence d'un coup», tempère-t-on dans la maison poulaga. «Ni qu'on va sortir d'un coup de baguette les armes lourdes du circuit, cela fait longtemps qu'elles circulent».
Tonneau des Danaïdes
Arrivé le menton front, le verbe fort, l'ego perçant, le préfet délégué à la sécurité Alain Gardère prend peu à peu l'ampleur de la tâche qui lui incombe. Après avoir franchement vexé ses troupes lors de son intronisation - «on avait l'impression qu'il avait tout vu, tout fait et qu'il allait nous apprendre le métier»- le Guéant Boy a rangé son discours guerrier. «Il s'est rendu compte de la violence de la ville, les personnes qu'on met sur écoute pour la dope ou les règlements de compte, elles parlent de tuer des gens à toutes les conversations». La bouche marseillaise complique un peu la tâche des flics. L'ampleur des réseaux la transforme en tonneau des danaïdes.
Disqueuses
Soupçonné d'être à l'origine de la fusillade de dimanche soir près de Vitrolles, un vaste gang localisé près de Martigues...frappé à trois reprises ces derniers temps par des opérations de police. Le patriarche supposé de ce gang de gitans a même été enchristé. Lors de son arrestation, ont été découverts dans un box, kalachnikov, fusils à pompe, stups… Mais ce coup porté n'a pas mis à terre le gang des disqueuses, au misérable butin vitrollais. Quelques sacs de crevettes congelés Picard qui ont coûté la vie à un des braqueurs, fauché par une balle amie. «Ils ne maîtrisent pas ce genre d'armes, du coup cela balaie. Mais ils n'hésitent pas à s'en servir jure les policiers…..Il ne faut pas se tromper sur le butin, c'est simplement qu'ils devaient faire leurs courses.»
Sous les cadavres, crevettes surgelés et boulons
N'empêche. Des surgelés au péril de vie humaine, la balance fait jaser. Et le braquage d'un brico dépôt, du côté de Saint Just, au Nord est de la ville épaissit encore le trait.
«Se balader avec des armes lourdes pour des braquages aussi minables cela en dit long sur la situation de la ville». Comptoir d'un bar de l'Estaque. Fumeur bien évidemment. Au nord de la ville, là où ça tire. Discussion libre autour des braquages, des armes, des cités et des jeunes. Les attablés ont une petite trentaine. Pas franchement des vieux cons, ni des grands frères la morale.
«Tu vois bien que ce sont des gamins qui ne savent pas utiliser des Kalach. Mais en plus ce qu'ils essaient de faire est ridicule. Voler un brico-dépôt cela va leur rapporter quoi ? Quelques centaines d'euros en revendant au black ce qu'ils ont piqué ? Et après ça ? Recommencer! L'économie souterraine est devenu telle que c'est la seule qu'ils connaissent et qu'ils comprennent. Avec des prises de risque inouïes, tuer un policier pour un sac surgelé ou des boulons mais tu risques quoi ? Ils n'ont plus aucun repère, ce sont des enragés».
Pendant ce temps-là les politique
se disputents les circonscriptions
La salve est directe précise. La cible est même perceptible. »Les politiques ils font quoi pendant ce temps-là, t'en as vu un seul monté au créneau ? Les élus des Quartiers, les socialistes, les Verts ? Non, ils se disputent les circonscriptions cette semaine», enrage le groupe. «Et après, ils viendront nous voir tout sourire pour faire la campagne, pour les aider à rentrer dans les cités, amener les gens voter, mais ce sera trop tard, si cela ne l'est déjà.» Et de pointer les subventions, emplois privilégiés, détournements d'argents publics et favoritisme dont usent les élus pour s'assurer le soutien de la population. Sans changer leur quotidien. «Le clientélisme a fait beaucoup de mal, la politique a fait beaucoup de mal aux quartiers. Des gens sont entretenus par un système, sans travailler, quand la misère dans la ville, le chômage progresse. Et si tu n'entres pas dans ce jeu-là, ils cherchent à te briser. Tu n'as pas de travail, de logement, tu ne peux pas développer de projet. Il te reste quoi ? Comment veux tu que cela ne dérape pas ? Quel exemple ils donnent ? Quel message ils font passer ? Que ce n'est pas en respectant les règles qu'on s'en sort ?»
Le souffle retombe. Le regard un peu aussi. Dans le vague. Comment cela va-t-il se terminer ? A quelques centaines de mètres, un restaurant huppé a été victime d'un braque quelques mois auparavant. Au sud de la ville, un gymnase a été arrosé de balles il y a quelques semaines. Jeudi, un snack de Saint Antoine a été balayé à l'AK 47.
Mais la peur ne semble pas alourdir l'air du Vieux Port en ce doux début décembre. Pas de tension, de crispation, de révolte. Une once de résignation ? Peut-être encore l'Opiom anesthésie-t-il la ville. Ou alors le tac tac des Kalach est moins pénible au soleil...
Xavier Monnier
source: bakchich.info
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