Londres et Paris craignent qu'imposer des pertes aux déposants les plus fortunés n'incite ceux-ci à sortir leur épargne des banques. Berlin milite pour une participation des titulaires de comptes de plus de 100.000 euros. Une nouvelle réunion des ministres des Finances européens est prévue mercredi.

L’avenir du système bancaire continue de donner des maux de têtes aux dirigeants européens. Alors qu'ils s'avaient trouvé un accord jeudi, sur le processus de recapitalisation des banques , samedi, à plus de trois heures du matin, les ministres des Finances de l’UE ont dû finalement constater leur échec à trouver un consensus sur les règles qui s’appliqueront pour le sauvetage ou la liquidation des banques en faillite. Il y a pourtant urgence : si les Vingt-Sept ne trouvent pas un accord rapidement, le risque existe que la réforme prenne des mois de retard et plonge un système financier déjà bien fragile dans de nouvelles incertitudes. Du coup, les grands argentiers se retrouveront mercredi pour tenter d’accoucher d’un compromis.
Est-ce réaliste ? A l’issue de la réunion au Luxembourg, Pierre Moscovici, le ministre français des Finances, a assuré que les vingt heures de discussions du jour avaient permis d’accomplir « 90% du chemin ». Mais cet optimisme était loin d’être partagé par tous, Michael Noonan, le ministre des Finances de l’Irlande – qui préside l’UE ce semestre – reconnaissant que « qu’il n’y avait aucune garantie que nous trouvions un accord » mercredi. Il y a en effet une vraie fracture en Europe entre deux camps, l’un mené par la France et l’autre par l’Allemagne.
Cette directive sur la résolution des crises bancaires doit permettre à l'avenir que les contribuables ne soient pas obligés systématiquement de mettre la main à la poche en cas d'effondrement d'un établissement financier. La proposition de la Commission prévoyait de mettre à contribution non seulement les actionnaires, mais aussi les créanciers obligataires seniors et même les gros dépôts (supérieurs à 100.000 euros). Il s’agirait d’un revirement complet de stratégie en Europe, puisque c’est le contribuable qui avait été systématiquement mis à contribution jusqu’en 2012 pour renflouer les banques. Cette nouvelle politique est défendue notamment par l’Allemagne et les Pays-Bas, empreints d’une vision morale de l’économie.
Mais morale et économie ne font pas toujours bon ménage aux yeux d’autres pays, notamment la France. Le pataquès chypriote – quand la décision de « rincer » une grande partie des gros dépôts des deux principales banques de l’île avait fait craindre à un « bank run » – continue de hanter ces Etats (France donc, mais aussi Grande-Bretagne, Italie, Suède…) qui plaident pour plus de flexibilité. En clair, ils veulent des règles plus souples pour exonérer telle ou telle catégorie de créanciers si la stabilité du système financier est en jeu. Paris plaide notamment pour exonérer si nécessaire les gros dépôts de particuliers ou de PME. Michel Barnier, le Commissaire au Marché intérieur, a toutefois prévenu qu’il fallait faire en sorte que « la flexibilité ne porte pas atteinte à l’intégrité du marché intérieur ». Plus que d’un différend technique, il s’agit donc d’un différend philosophique ce qui explique la difficulté à accoucher d’un compromis.
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