Et la Reine savait à l’avance que sa lettre allait quitter 3 mois après Noël ?
Un plan.
En 1983, de hauts fonctionnaires britanniques, craignant l'éclatement d'un conflit nucléaire mondial, ont élaboré un scénario dans les moindres détails. Archives.
Elizabeth II en juin 1983, le jour du Trooping the Colour, à Londres. © HUSSEIN ANWAR/SIPA
"Je n'aurais jamais pu imaginer que ce terrible devoir me reviendrait un jour... Quelles que soient les horreurs qui nous attendent, toutes les qualités qui nous ont aidés à préserver notre liberté, par deux fois déjà lors de ce terrible siècle, nous donneront de nouveau la force dont nous avons besoin. Et alors que nous nous apprêtons à lutter contre les forces du mal, prions ensemble, et pour notre pays, et pour les hommes de bonne volonté, où qu'ils se trouvent. Que Dieu nous protège."
Heureusement, la reine Elizabeth II n'a jamais eu à prononcer ce discours, écrit pour elle en 1983 en prévision du déclenchement de la Troisième Guerre mondiale avec l'Union soviétique et publié jeudi par les Archives nationales britanniques, après 30 ans de secret. Préparé par un comité comprenant des membres de l'armée, des services secrets et du ministère de l'Intérieur, il est extrait d'un document de 320 pages - nom de code Wintex-Cimex 83 - visant à préparer le Royaume-Uni à l'éventualité d'un conflit nucléaire proche. Dans ce discours, la reine évoque "la folie de la guerre" et "le pouvoir fatal de nouvelles technologies mal exploitées".
33 millions de victimes britanniques estimées
S'il semble difficile d'imaginer aujourd'hui un tel climat de tension, les hauts fonctionnaires britanniques jugeaient en 1983 la situation internationale suffisamment grave pour en conclure qu'il serait prudent de se préparer à l'annonce imminente d'une Troisième Guerre mondiale. De fait, cette même année, Ronald Reagan, alors président des États-Unis, avait décrit l'URSS comme un pays "diabolique". L'ambassadeur de Grande-Bretagne à Moscou avait quant à lui mis en garde son gouvernement contre la rhétorique guerrière du président soviétique Iouri Andropov, décrite comme "extrêmement inquiétante".
Dans le scénario fictif élaboré par les hauts fonctionnaires de Whitehall il y a 30 ans, l'URSS aurait lancé des attaques conventionnelles contre l'Allemagne de l'Ouest, l'Italie, la Turquie et la Scandinavie, avant de s'en prendre au reste du "monde libre". Le nombre de victimes britanniques est estimé à 33 millions, dont un million à Londres. La seule réponse envisagée consiste en une attaque nucléaire par l'Otan contre le bloc de l'Est, avant d'empêcher la Russie de déployer son arsenal nucléaire et chimique.
Le comité prévoit par ailleurs la dispersion des ministres britanniques dans diverses régions anglaises, galloises et écossaises, afin qu'ils y créent de mini-gouvernements locaux. Le scénario envisage aussi la fuite d'un demi-million de Londoniens vers la campagne et - les considérations pratiques n'étant pas écartées - le risque de voir les magasins vendant de l'alcool pillés par une population affolée. Un scénario qui peut paraître étonnant aujourd'hui, mais qui démontre la vitesse à laquelle l'histoire s'écrit.
DOCUMENT La traduction de l'intégralité du discours d'Elizabeth II annonçant la Troisième Guerre mondiale :
"La dernière fois que je me suis adressée à vous, il y a moins de trois mois de cela, c'était pour partager avec vous le bonheur d'un Noël en famille. Nos pensées à tous étaient tournées vers les liens essentiels qui lient les générations entre elles. L'horreur de la guerre n'aurait pu paraître plus lointaine, alors que ma famille et moi-même partagions la joie des fêtes avec la famille formée par le Commonwealth.
Aujourd'hui, la folie de la guerre s'étend de nouveau sur le monde et notre courageux pays doit se préparer à survivre, confronté aux pires obstacles. Je n'ai jamais oublié la peine et la fierté que j'ai ressenties avec ma soeur lorsque, depuis notre nursery, nous avons écouté les mots inspirés déclamés par notre père en ce terrible jour de 1939. Je n'aurais jamais pu imaginer que cet horrible devoir me reviendrait un jour.
Nous savons tous que les dangers auxquels nous devons faire face aujourd'hui sont bien supérieurs à ceux traversés auparavant au cours de notre longue histoire. L'ennemi n'est plus un soldat armé d'un fusil, ni même un pilote bombardant nos villes, mais le pouvoir fatal de nouvelles technologies mal exploitées.
Mais, quelles que soient les horreurs qui nous attendent, toutes ces qualités qui nous ont aidés à préserver notre liberté par deux fois déjà lors de ce terrible siècle nous donneront de nouveau la force dont nous avons besoin.
Mon mari et moi-même partageons avec de nombreuses familles à travers le pays la peur de perdre ces fils, filles, maris et frères qui sont partis pour servir leur pays. Mon fils adoré Andrew est en ce moment même sur le terrain, auprès de son unité, et nous prions sans cesse pour sa sécurité et celle de tous les soldats qui comme lui servent leur patrie ici et à l'étranger.
C'est cette unité familiale qui constitue notre plus grande défense contre l'inconnu. Si les familles demeurent unies et fortes, offrant un abri à ceux qui n'ont pas de foyer ni de protection, alors notre volonté de survivre ne peut être brisée.
Je vous adresse donc un message simple : aidez ceux qui en ont besoin, réconfortez ceux qui sont seuls ou sans domicile, et faites de votre famille un objet d'espoir et de survie pour les autres. Alors que nous sommes unis pour combattre ces nouvelles forces du Mal, prions pour notre pays et pour tous les hommes de bonne volonté, où qu'ils se trouvent. Que Dieu vous protège."
source via Incapable de se taire
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