Les sénateurs de la commission pour le contrôle de l'application des lois, qui avaient déjà un programme un peu léger, ont vu le menu de leur évaluation des "dispositifs législatifs sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme" perdre son plat de résistance: dans un communiqué, vendredi 30 mars, les ministres de l'intérieur et de la défense ont annoncé qu'il n'était pas question que les patrons des services de renseignements, Erard Corbin de Mangoux, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), et Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur (DCRI), soient auditionnés.

"Les fonctionnaires concernés n'ayant pas de responsabilité en matière d'évaluation des lois, et étant par ailleurs, en cette période pré-électorale, tenus à un strict devoir de réserve", expliquent Claude Guéant et Gérard Longuet. M. Squarcini, comme d'autres responsables policiers, s'est pourtant expliqué dans la presse, et notamment dans Le Monde, le 23 mars, sur l'affaire de Toulouse et le suivi de Mohamed Merah.

Mais, Place Beauvau, on assume: "Ils ont été sollicités par des médias pour s'exprimer, alors que la campagne était suspendue, mise entre parenthèses. C'était une période particulière. Parler plus largement de l'opportunité des lois, c'est tout autre chose, ça les fait sortir de leur rôle."

"Ce refus est inexplicable", s'est étonné au contraire François Rebsamen, président du groupe socialiste au Sénat, qui était à la manœuvre. Le responsable des questions de sécurité dans l'équipe de François Hollande y voit "un profond mépris pour le Sénat et la représentation nationale" et "une crainte que ces auditions ne confirment que l'annonce d'une nouvelle loi antiterroriste faite dans la précipitation par le président-candidat, n'est qu'un effet d'affichage dicté par des préoccupations électoralistes". Le président (PS) du Sénat, Jean-Pierre Bel, a demandé aux ministres de revenir sur leur décision.

Les auditions de la commission sénatoriale ont été largement impulsées par le candidat socialiste à la présidentielle. M. Hollande avait estimé, le 23 mars: "Ce qui compte, c'est d'avoir une évaluation des lois et de leur application. Ensuite, s'il y a des corrections législatives, ça viendra après l'élection présidentielle." François Rebsamen avait précisé, mardi 27 mars, que la commission se pencherait uniquement sur la législation, et "pas sur les faits de Toulouse". Mais, jeudi, les sénateurs UMP avaient protesté. Et, dans l'entourage de Claude Guéant, on s'interroge: "Est-ce qu'il y a urgence? Faire ça maintenant ou le 10 mai, qu'est-ce que ça change?"

Erard Corbin de Mangoux et Bernard Squarcini répondront toutefois à la convocation de la délégation parlementaire au renseignement, qui se réunit une première fois le 4 avril. Pour le ministère de l'intérieur, c'est la preuve que le gouvernement "respecte le pouvoir de contrôle du Parlement." Mais les auditions y sont soumises au secret-défense