Pour #Pâques, on a cherché des alternatives écologiques aux œufs en chocolat

Publié par Brujitafr sur 20 Avril 2025, 05:34am

Catégories : #ACTUALITES

Le chocolat, particulièrement consommé à Pâques, est un produit exotique qui pose des problèmes éthiques et écologiques. Les alternatives réellement ressemblantes peinent encore à se développer.

Quand ma collègue Lorène a suggéré de publier un article sur les alternatives au chocolat pour Pâques, je reconnais que je me suis trouvée bête. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir écrire ? J’avais beau passer en revue différents ingrédients dans ma tête, je ne voyais pas quels produits pourraient réellement être des substituts aux lapins et petits œufs chocolatés.

Pourtant, il est clair qu’il y a une nécessité à trouver des alternatives. Plus de la moitié des producteurs de fèves de cacao — indispensables à la fabrication du chocolat — vivent sous le seuil de pauvreté. D’après une étude de l’organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies (FAO), les cacaoculteurs ne reçoivent en moyenne que 11 % du prix d’une tablette vendue en France en grande surface. Pour certaines références de tablettes, ce chiffre ne dépasse même pas 4 %. Par ailleurs, plus de deux millions d’enfants travaillent dans des plantations de cacao en Côte d’Ivoire, le principal pays producteur.

Certains cacaoculteurs ivoiriens défrichent des parcelles de forêt pour y installer leurs plantations, puis se déplacent au fur et à mesure que les rendements baissent. Le chocolat qu’on aime tant — chaque Français en mange en moyenne 12,5 kilos par an — contribue donc à la déforestation de ce pays. Et, cerise sur le gâteau au cacao, certains producteurs utilisent des produits chimiques qui polluent l’environnement et les rendent malades.

Des graines de tournesol à la place des fèves de cacao

J’ouvre donc mon moteur de recherche, à la recherche d’alternatives crédibles. Là, seules deux marques, toutes les deux créées en 2021, apparaissent en se présentant comme des substituts au chocolat : Choviva et Épât’moi. La première, allemande, se vante d’être « la première alternative au chocolat sans cacao au monde » et d’avoir « réinventé le chocolat en réduisant les émissions de CO₂ », grâce à des produits sans fèves de cacao, mais avec des graines de tournesol locales.

« Des chaînes d’approvisionnement plus courtes et l’absence de déforestation, entre autres, permettent une empreinte carbone environ 80 % inférieure à celle du chocolat », peut-on lire sur leur site [1]. Certains biscuits et tablettes contiennent du lait en poudre, tandis que leur version végétale est faite à partir de farine de graines de tournesol. Mais tous contiennent de l’huile de palme, quand bien même celle-ci possède un label « durable » (RSPO).

Cette mention ne convainc pas les associations environnementales. « [Ses standards] sont insuffisants pour que l’on puisse dire de l’huile certifiée RSPO qu’elle est véritablement “durable” », écrivait Greenpeace dans un rapport publié en 2012. L’ONG critiquait le fait que ce label ne protège qu’une partie des zones forestières, celles « à haute valeur de conservation », et n’empêche pas le défrichage de forêts et le drainage de tourbières riches en carbone. Cette première alternative, qui utilise un produit par essence responsable de la déforestation en Asie du Sud-Est, me refroidit.

Quand la caroube a goût de chocolat

La deuxième marque, française, baptisée Épât’moi, ne présente qu’un produit : un pot de pâte à tartiner à base de caroube, une gousse provenant du caroubier, un arbre fruitier méditerranéen. « Trois kilos de pâte à tartiner sont mangés chaque seconde en France. On s’est dit que si on créait ce produit avec des ingrédients plus locaux et savoureux, on aurait déjà un impact [écologique] énorme », explique Julia Da Prato, la cofondatrice de la marque.

La caroube peut être utilisée comme alternative au chocolat dans des pâtes à tartiner.

Le produit n’existe que sous cette forme, car la transformation en produits solides — comme des œufs de Pâques — nécessiterait « des huiles qui ne viennent pas de chez nous ». Or, Julia Da Prato et son associée mettent un point d’honneur à ne pas utiliser d’ingrédients exotiques dans leur recette. « Il n’y a pas de beurre de cacao, d’huile de palme ou de graisse végétale comme le karité, car cela reviendrait à déplacer le problème de l’impact écologique du cacao », ajoute Chloé Jullien, la deuxième créatrice de la marque.

On fera donc difficilement la chasse au œufs dans le jardin avec ce gros pot, mais les ingrédients sont locaux. Attention, le produit ne conviendra toutefois pas aux personnes qui ne mangent pas de gluten ou des produits d’origine animale (la pâte à tartiner contient du malt et du lait en poudre).

« Un produit présenté comme pas exotique »

Hormis ces deux marques, il existe encore peu de produits présentés comme des alternatives crédibles au chocolat. Contrairement au café, pour lequel les substituts ne cessent de fleurir dans les rayons : on en a même testé pour vous dans cet article. « Le café a vite été perçu comme un produit marqué par les inégalités et l’histoire coloniale, contrairement au chocolat », analyse Frédéric Amiel, auteur de Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat (Éditions de l’Atelier, 2021).

Il développe : « Au moment de la décolonisation, il y a eu des tentatives d’effacer la provenance du cacao. Il y a des générations à qui on a présenté le chocolat comme un produit pas du tout issu de la culture tropicale, pas du tout exotique. On a effacé ces références de la publicité et du packaging, ce qui a été moins le cas avec le café, où l’origine (Colombie, Pérou, Éthiopie…) a longtemps été promue. »

« Réhabilitons d’autres produits sucrés, comme les fruits »

Cette technique publicitaire a paradoxalement fini par entraîner une prise de conscience pour les consommateurs de café — « ah oui, c’est un produit qui vient de loin quand même... » — tandis que le chocolat, présenté comme « chocolat suisse », par exemple, est toujours perçu par certaines personnes comme un « produit de chez nous ». D’autant plus que la transformation des fèves de cacao en tablettes de chocolat se déroule généralement en Europe.

Alors, comment faire ? « Je ne milite pas pour arrêter totalement la consommation de chocolat, mais pour la remettre à sa juste place, préconise Frédéric Amiel. C’est un produit qui pose des contraintes [éthiques et écologiques] en terme de production, il doit redevenir un produit d’exception, pas de consommation de masse. À Pâques, les montagnes d’œufs en chocolat de mauvaise qualité dans les magasins, c’est une catastrophe écologique, économique et de santé publique. »

Il propose également de réfléchir à « l’omniprésence » du chocolat dans les desserts et les goûters. « Il existe plein d’autres possibilités, rappelle-t-il. À titre personnel, je suis très militant pour réhabiliter d’autres produits sucrés, comme les fruits. » Après réflexion, c’est vrai que je ne serais pas contre une chasse au crumble aux pommes ce week-end.