Le président élu de Taïwan Lai Ching-te (centre) et sa co-listière Hsiao Bi-khim (droite), devant le siège du Parti démocrate progressiste à Taipei le 13 janvier 2024 Photo AFP / Yasuyoshi CHIBA
Continuité à Taïwan. Le vice-président Lai Ching-te, aussi connu sous le nom anglais de William Lai, a remporté l'élection présidentielle, ce samedi, sur l'île revendiquée par Pékin. Le candidat du Parti démocrate progressiste (DPP) a engrangé 40,1 % des voix face à Hou Yu-ih, le candidat du principal parti d'opposition Kuomintang (33,5 %), et Ko Wen-je, du petit Parti populaire taïwanais (26,3 5), tous deux favorables à des relations plus étroites avec la Chine communiste, selon les résultats quasi-définitifs de ce scrutin à un tour.
« Nous avons montré au monde combien nous chérissons la démocratie », a réagi Lai Ching-te, devant une foule de militants de DPP. « Dites aux Français que Taïwain n'est pas la Chine », demande aux « Echos », Andrew, un banquier de 38 ans, venu célébrer la victoire de son candidat.
Taïwan appelle Pékin à "respecter les résultats de l'élection" présidentielle
Taïwan a appelé dimanche la Chine à "respecter les résultats de l'élection" présidentielle remportée la veille par Lai Ching-te, qui affirme que l'île est de facto indépendante et promet de la défendre face aux menaces de réunification.
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Taïwan appelle Pékin à "respecter les résultats de l'élection" présidentielle
"Le ministère des Affaires étrangères appelle les autorités de Pékin à respecter les résultats de l'élection, à faire face à la réalité et à renoncer à réprimer Taïwan", selon un co...
Des répercussions à venir de Pékin?
La victoire des démocrates indépendantistes est un sérieux revers pour la Chine. Et pour cause, Pékin entend reprendre l'île, si nécessaire par la force, estimant que c'est l'une de ses provinces qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Ce samedi, après le résultat, la Chine a ce affirmé que le vote « n'entravera pas la tendance inévitable d'une réunification avec la Chine », a déclaré Chen Binhua, un porte-parole du bureau chinois responsable des relations avec Taïwan, cité par l'agence Chine nouvelle.
Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire. D'abord en appelant les électeurs à faire « le bon choix » puis en affirmant que l'armée chinoise pourrait intervenir sur l'île. « L'Armée populaire de libération de Chine maintient une vigilance élevée à tout moment et prendra toutes les mesures nécessaires pour écraser fermement les tentatives d'indépendance de Taïwan sous toutes leurs formes », a déclaré le porte-parole du ministère de la Défense, Zhang Xiaogang, dans un communiqué. Jeudi, cinq ballons chinois ont franchi la ligne médiane séparant l'île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre. Samedi, des journalistes de l'AFP ont observé un avion de chasse chinois au-dessus de la ville de Pingtan, la plus proche de Taïwan. Et sur le réseau social chinois Weibo, le hashtag « Election à Taïwan » a été bloqué dans la matinée.
Le statut de Taïwan est l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d'envoyer une « délégation informelle » sur l'île après le vote. Washington ne reconnaît pas Taïwan comme un Etat et considère la République populaire de Chine comme seul gouvernement légitime, mais apporte néanmoins à l'île une aide militaire importante. Les Etats-Unis se disent en faveur d'un statu quo, selon eux garant de la paix. Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a rencontré à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois. Il lui a rappelé l'importance de « maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan ». Ce samedi après les résultats du scrutin, ce dernier a déclaré dans un communiqué que « Les Etats-Unis félicitent le docteur Lai Ching-te pour sa victoire à l'élection présidentielle à Taïwan. Nous félicitons également le peuple taïwanais pour avoir démontré une nouvelle fois la force de son système démocratique et de son processus électoral solides ». Juste après, le président américain Joe Biden a néanmoins tenu à rappeler que « Nous ne soutenons pas l'indépendance ».
De son côté, Bruxelles a « salué » samedi la tenue des élections présidentielle et législatives à Taïwan et a « félicité » dans un communiqué « tous les électeurs ayant participé à cet exercice démocratique », mais sans mentionner le président élu Lai Ching-te. « L'UE reste préoccupée par les tensions croissantes dans le détroit de Taïwan et s'oppose à toute tentative unilatérale visant à modifier le statu quo », a toutefois précisé le communiqué du porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. « L'UE souligne que la paix et la stabilité dans le détroit sont essentielles à la sécurité et à la prospérité dans la région et dans le monde ».
Des taïwanais peu inquiets d'une invasion de l'armée chinoise
Cette nouvelle victoire des indépendantistes pourrait-elle alors déclencher une réponse armée de Pékin? Les taïwanais y croient peu. A Taipei, Liu Pei-chi, professeur de lycée de 40 ans, raille Pékin qu'il qualifie de « tigre de papier ». « Une fois que vous avez compris leurs ruses, vous n'avez plus peur », poursuit cet électeur du DPP interrogé par l'AFP. « J'espère pouvoir défendre mon pays, notre démocratie et le faire savoir au monde. »
Un conflit dans le détroit de Taïwan serait désastreux pour l'économie: l'île fournit 70% des semi-conducteurs de la planète et plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par le détroit. Mais une guerre a peu de chances d'éclater pour le moment. « Le scénario vert, c'est le statu quo actuel. Même si le Parti démocratique se maintient au pouvoir à Taïwan, Pékin a plus à perdre qu'à gagner à une escalade. La Chine se cantonnerait dans ce cas à poursuivre ses gesticulations militaires, ses stratégies d'influence et de désinformation actuelles plus ou moins intenses », précisait Jacques Gravereau.
En cas de guerre, la Chine s'exposerait à « une perspective d'apocalypse car, même si les Taïwanais sont inférieurs militairement, les Chinois devront faire une traversée maritime de 160 kilomètres, encaisser la perte de centaines de leurs navires coulés par des missiles adverses dans leur traversée, réussir leur débarquement et se déployer dans une île barrée par une grande chaîne montagneuse hérissée de pics de plus de 3.000 mètres. Une opération amphibie n'est jamais une promenade de santé. D'autant qu'il faut tenir compte de la proximité des bases américaines autour de Taïwan : au Japon, aux Philippines, à Guam, en Corée du sud. Dans un conflit à très haute intensité, les Etats-Unis n'auraient pas d'autre choix que de s'engager militairement, sous peine de perdre le Pacifique et tous leurs alliés asiatiques. Le « coût d'acquisition » de Taïwan en vaut-il la chandelle ? »
(Avec AFP)
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