"Le président le plus con", "Trou du cul" : Emmanuel Macron se fait détruire par les Français, en colère contre sa réforme, durant son tour de France
Ce lundi 17 avril 2023, après avoir profité de son allocution exceptionnelle pour affirmer aux Français qu'il ne comptait pas supprimer sa réforme des retraites malgré leur colère, Emmanuel Macron leur demandait ensuite de se calmer en lui offrant "100 jours d'apaisement". Une requête jugée culottée par de nombreux citoyens qui n'a clairement pas été entendue.
De violentes insultes contre Emmanuel Macron
Présent dans la ville de Mutterscholtz (Alsace) afin de rencontrer des salariés de l'usine de Mathis ce mercredi 19 avril, le président de la République a tout simplement le droit au plus mémorables des accueils. Au programme ? Un concert de casseroles assourdissant et un face-à-face mouvementé avec une foule frustrée par son comportement jugé hautain vis-à-vis de leurs revendications.
Aussi, entre deux "Macron démission" balancés par ses opposants, Emmanuel Macron s'est retrouvé au centre d'un festival d'insultes plus piquantes que la moindre sauce présentée dans Hot Ones. "Vous êtes le président le plus con que j'ai connu" a-t-il pu entendre, suivi plus loin de "Vous avez des ministres corrompus. Un beau jour, vous allez tomber", mais également de "On ne veut pas de ta retraite. Qu'est-ce que tu ne comprends pas, trou du cul ?". Difficile de faire plus clair (et vulgaire) et de quoi lui permettre d'être rhabillé pour toutes les saisons, ce qui n'est pas une mauvaise chose au regard du dérèglement climatique qui frappe le monde et pour lequel son gouvernement est à la traîne niveau actions.
« On en veut pas de ta retraite trou du cul ! ». Rien à dire. #Macron a définitivement rehaussé la fonction présidentielle... #ReformeDesRetraites pic.twitter.com/nhkjBvuRBL
— Eric Morillot (@EricMorillot) April 20, 2023
C'est le président qui décide"
Devant cette défiance (quasiment) inédite, l'ego du chef de l'Etat semble logiquement accuser le coup. Pourtant le premier à assurer qu'il reste serein face à cette gronde, "Ce n'est pas la première fois que j'entends des gens qui râlent contre moi", il n'est en réalité pas rare de le voir réagir... en provoquant davantage les Français.
A l'inverse d'autres politiciens qui, dans une telle situation, privilégieraient la posture du dos rond et la perfection de leur maitrise de la langue de bois pour laisser la tempête passer, le président n'hésite pas à contre-attaquer à sa façon. Face aux critiques sur sa réforme et sa façon de l'adopter (poke les recours au 49.3), mais également les agissements de son gouvernement et le rejet d'Elizabeth Borne par le peuple, Emmanuel Macron a tout simplement répondu, "C'est le président qui décide" avant d'ironiser sur sa situation, "J'ai un CDD jusqu'en 2027".
Emmanuel Macron: "J'ai un CDD jusqu'en 2027" pic.twitter.com/zIlMP64WSy
— BFMTV (@BFMTV) April 19, 2023
Macron provoque à nouveau ses opposants
Puis, visiblement agacé de se faire accueillir par des ustensiles de cuisine - un arrêté a d'ailleurs été instauré ce jeudi 20 avril dans l'Hérault, durant son passage, pour interdire leurs utilisations dans le cadre d'une manifestation, Emmanuel Macron s'est moqué de ces instruments en déclarant :
"Les casseroles ne feront pas avancer la France. La réalité de tout le pays c'est pas seulement ceux qui font du bruit sur des casseroles ou qui râlent". Plus tard, il en a même rajouté une couche en précisant, "Les oeufs et les casseroles, c'est pour faire la cuisine chez moi !"
Trois jours que le président de la République a réclamé "100 jours d'apaisement" et la France n'a jamais semblé aussi unie et déterminé à se rebeller. Ces trois mois à venir s'annoncent très longs et on peut déjà s'attendre à un 14 juillet explosif (et ça ne sera pas à cause des feux d'artifice).
ÉCONOMIE ET SOCIAL REPORTAGE
Emmanuel Macron dans l’Hérault : interdites de casseroles, les Cévennes montent le son
Déplacement d’Emmanuel Macron ce jeudi à Ganges, dans l’Hérault, sur le thème de la ruralité et de l’éducation. Il n’est pas allé au contact de la foule mais elle a bruyamment fait entendre sa colère. Reportage dans le comité d’accueil cévenol.
Cécile Hautefeuille
jeudi 20 avril 2023
à 19h28
GangesGanges (Hérault).– Quand passer des casseroles en douce devient un acte de résistance. À Ganges, ce jeudi matin, l’interdiction préfectorale (lire notre article sur la légalité contestable de cette interdiction) de détenir tout « dispositif sonore portatif » est prise très au sérieux par certains gendarmes, qui n’hésitent pas à confisquer casseroles et tambourins aux points de filtrage de la commune, quelques heures avant l’arrivée d’Emmanuel Macron en terre cévenole.
« Ce n’est pas grave, le bistrot nous a passé des casseroles ! », rigole un cégétiste, chasuble jaune usée sur les épaules. Les ustensiles de cuisine, de toute sorte et de tous diamètres, sont effectivement bien visibles dans la foule. Et surtout, très sonores.Car le comité d’accueil du président, mille à deux mille personnes dans une commune de quatre mille âmes, fait du bruit, beaucoup de bruit. Infatigables, les manifestant·es chantent, dansent, huent, sifflent et tambourinent sur des panneaux de signalisation ou des poubelles trois heures durant, sans jamais s’arrêter une seconde. Et sans jamais apercevoir Emmanuel Macron, en visite au collège Louise-Michel sur les thèmes de l’éducation et de la ruralité.
« Il y a un avant et un après Alsace », souffle un représentant de l’État, en référence au fiasco du déplacement présidentiel de la veille. Cette fois, pas de bain de foule. Emmanuel Macron veut de belles images pour ses annonces sur les salaires des enseignant·es (lire notre article), mais surtout pas le son. Dès son arrivée, se déclarant prêt à discuter avec les opposant·es, il ajoute d’ailleurs : « Si c’est juste pour les œufs et les casseroles, c’est pour faire la cuisine chez moi. »
La messe est dite : aujourd’hui, le président n’ira pas « au contact ». En tout cas, pas à Ganges. Car avant de repartir à Paris, il réalise une visite « imprévue » à Pérols, près de l’aéroport de Montpellier pour « discuter avec les Français ». L’imprévu a ceci de bon : les casseroles n’ont pas le temps de sortir et les images de « déambulation » tranquille sous le soleil, captées par la presse, sont bien différentes de Ganges et son joyeux vacarme.
Le courant coupé au collège
Car à Ganges, les mécontent·es sont tenu·es à bonne distance du collège, où Emmanuel Macron rencontre profs et élèves. La manifestation, qui voulait passer devant l’établissement, reste cantonnée à quelques rues alentour. Les accès menant à l’établissement sont barrés par des gendarmes mobiles devant lesquels la foule, de tous âges, entonne sans relâche des « On est là », « On est déter pour bloquer le pays » et autres « Macron démission ».
Vers 11 heures, quand le président arrive - avec du retard – personne ne le voit mais les huées se font plus fortes. L’électricité est coupée au collège Louise-Michel, durant près de deux heures. La CGT revendique l’action qui contraint la table ronde prévue à s’organiser dehors. Plus tôt, c’est l’aéroport de Montpellier qui a été placé sous « sobriété énergétique ».
« Macron, il va faire tout noir chez toi ! », s’époumone la foule. « On va passer en force ! », crient ensuite des manifestant·es. Ils tentent de franchir le barrage, la gendarmerie réplique par des tirs de gaz lacrymogène. L’ambiance se tend mais redevient rapidement euphorique et déterminée. Le tout, sous l’œil de la résistante Lucie Aubrac, dont le visage orne la médiathèque qui porte son nom. Des messages « une tournée qui tourne à vide », « démocratie abîmée », « Macron ras et bas dans ses bottes » sont collés sur la façade, entourant le mot « Résistance », inscrit en hommage à la figure féministe. Il n’y a quasiment plus de slogans sur la réforme des retraites. Toute la colère est dirigée vers le président, son attitude, sa méthode.
Il n’a pas une attitude de chef de l’État. Il est dirigé par l’orgueil et fait ses petites colères !
Annie, 60 ans, manifestante
Annie se promène devant la médiathèque avec pancarte « cousue main hier soir ». « Trop de 49-3 et de CRS. Trop de matraques. Trop de mépris et de mensonges », a inscrit la sexagénaire, qui porte un masque noir barré d’un « 49-3 ». Elle vient du Gard – dont la frontière est toute proche de Ganges- et compare Emmanuel Macron à « un gamin qui tape du pied quand il est contrarié ». « Il n’a pas une attitude de chef de l’État. Il est dirigé par l’orgueil et fait ses petites colères, c’est insupportable ! »
Annie évoque aussi la répression de Saint-Soline : « Est-ce qu’il se rend compte qu’il a massacré des gens qui défendent le bien commun à sa place ? », s’énerve-t-elle. Elle aimerait lui poser la question. « Je crois que je lui dirais juste : pourquoi ? »Des banderoles vantant la jonction des luttes sociales et climatiques sont accrochées. À l’entrée de Ganges, le péril est visible : un cours d’eau est complètement à sec. Le coin est connu des amatrices et amateurs de baignade en rivière. Les gorges de la Vis ne sont pas loin. Le fleuve Hérault traverse la commune.
Au fil de la matinée, deux rassemblements se forment : un par barrage, à chaque extrémité de la rue faisant face à la mairie. Entre les deux, une manifestation tourne joyeusement en rond, dans le petit périmètre autorisé, emmenée par un camion de la CGT. Sans sono, sans musique : ça aussi, c’est interdit.
« On n’a rien entendu depuis le collège », témoigne d’ailleurs un enseignant qui était à l’intérieur pendant la visite du président. « Tout a dû être bien pensé pour ça », ajoute-t-il, relatant un échange « calme » lors de la table ronde organisée à l’extérieur, faute de courant dans la salle prévue.
Un corbillard, pour l’ex-maternité de Ganges
À quelques centaines de mètres de là, descendu·es des montagnes cévenoles ou venus de Béziers, Montpellier, Le Vigan, et autres villages proches de Ganges, les manifestant·es occupent encore et toujours le terrain. Des banderoles sont déposées autour d’un rond-point.
Une immense affiche « EDF-GDF 100 % public » est accrochée sur des échafaudages, sous les hourras de la foule. « Hasta siempre ! », crie une dame âgée devant le spectacle. « Alors on est de sortie ? », rigole-t-elle, en étreignant l’une de ses copines. « Je n’ai jamais vu autant de monde ! », s’enthousiasme une Gangeoise, qui n’en perd pas une miette avec son appareil photo.
Par moment, des rumeurs circulent : il se dit que président va déjeuner dans tel restaurant de la ville ou qu’il va emprunter telle route pour repartir. « Il ne partira pas d’ici ! », tonne une femme, chasuble CGT sur le dos. À côté d’elle, des syndicalistes font chauffer les barbecues, devant la police municipale, pour distribuer des merguez à prix libre, en vue d’alimenter la caisse de grève. Des billets de 10 ou 20 euros s’entassent dans l’urne.
Un corbillard barré des mots « démocratie » et « maternité » déambule au milieu de la foule. Il est porté par deux femmes, tout de noir vêtues, l’air grave. L’une d’elles, Héloïse, est membre du collectif citoyen « Maternité à défendre », qui milite pour la réouverture de l’établissement fermé en décembre 2022 (voir notre reportage).« Des femmes enceintes qui avaient démarré leur suivi ici sont obligées d’aller à Montpellier [à 50 km de là – ndlr] ou ailleurs car il n’y a pas toujours de place, explique Héloïse. On en connaît une qui a dû aller à Sète ! [à 78 km]. Les femmes sont lâchement abandonnées ! », s’emporte-t-elle. Agricultrice à Bréau-Mars, village du Gard, elle a un message à passer à Emmanuel Macron : « Il veut nous parler de ruralité ? Eh bien, c’est ça notre ruralité ! La fermeture des services publics ! »
La visite a semé la zizanie au sein du collège
Les fourgons de gendarmerie essuient des jets d’œufs et de citrons, et, dans la foule, des quolibets et autres surnoms sont lancés, à destination du président rebaptisé « le kéké », « le sourd » ou encore « le guignol ». C’est Gilbert, 73 ans, qui l’affuble de ce qualificatif dans un accent cévenol inimitable. Gilbert est descendu « de la montagne, d’un petit village de nos Cévennes » pour dire sa colère. « C’est de la provocation ! Macron vient dans une école alors que la maternité a fermé et que les enfants ne pourront plus naître ici ! »
Un peu plus loin, Audrey, venue de Montpellier, raconte s’être « motivée » ce matin pour monter à Ganges. « Louise-Michel, c’était mon collège, et ça me met très en colère qu’il vienne ici. On ne veut pas de lui et il ne veut pas l’entendre ! Moi, je ne m’invite pas chez quelqu’un qui ne m’aime pas, je ne vais pas m’imposer », ironise-t-elle.
Au collège, certains professeurs se sont mis en grève, pour protester contre la venue du président. « Je suis plus utile dehors que dedans », lance l’un d’eux, parlant sous couvert de l’anonymat. Il est très remonté. « On nous a mis la pression, en nous rappelant notre devoir de réserve. Et le chef d’établissement nous a officiellement informés la veille du déplacement de Macron alors que c’était dans la presse depuis lundi ou mardi », affirme-t-il.
Quatre de ses collègues ont été choisis pour discuter avec le président. « Pourquoi ? Comment ? », s’agace ce professeur. La visite présidentielle a, selon lui, tendu les relations dans le collège qui pourrait tenir un conseil d’administration extraordinaire pour revenir sur le sujet. « Pour ne pas laisser passer et essayer de ramener la sérénité », ajoute-t-il, avant de conclure, l’air narquois : « Ça me fait penser à la BD d’Astérix : La Zizanie ! Partout où il passe, Macron sème la zizanie ! »« Est-ce qu’on ne lui fait pas de la pub, en faisant tout ce bruit ? », s’interroge Véronique, tout en tapant sur un plat à paella, qui semble avoir bien vécu. « On s’est demandé, en venant, si ce n’était pas contre-productif de manifester. Et puis finalement, on est là ! »
À ses côtés Laurent, percussionniste, expose ses « petits plats asiatiques » en inox et fait la démonstration de leur bruit suraigu. « Ça sonne bien, hein ! » Tous deux viennent d’Aulas, dans le Gard. Ils évoquent le mouvement social, son « bel élan ». « Au moins, on aura essayé », souffle Véronique. Puis elle se souvient que le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision, le 3 mai, sur le second référendum d’initiative partagée. Un petit espoir renaît. Et Laurent, de conclure : « Maintenant qu’on en est là… tout ce qui semble un peu positif est bon à prendre ! »
Cécile Hautefeuille
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