Une manifestation d’agriculteurs à l’appel de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, à Nîmes, le 22 octobre. PASCAL GUYOT / AFP
« Macron, entends-nous ! » C’est par ces mots que la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), associée aux Jeunes Agriculteurs (JA), souhaite interpeller le président de la République, lors d’une nouvelle mobilisation nationale de ses troupes, mercredi 27 novembre. En annonçant le blocage des principaux accès routiers de Paris par un millier de tracteurs et des actions dans les grandes villes françaises, la FNSEA accentue la pression sur le gouvernement.
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La date n’a pas été choisie au hasard. « Nous voulons être visibles, être identifiés, donc on doit passer avant le 5 décembre », explique Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA et polyculteur-éleveur dans l’Oise. Pas question, donc, de s’associer au mouvement social du 5 décembre, d’autant que, comme le souligne M. Smessaert, les agriculteurs sont « favorables à la réforme des retraites et à la suppression des régimes spéciaux ».
Les revendications de la FNSEA s’inscrivent dans la continuité de celles exprimées lors des deux précédentes actions syndicales des 8 et 22 octobre. L’usage des pesticides, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), le traité de libre-échange entre les Vingt-Huit et le Canada (le CETA), la loi agriculture et alimentation EGalim, les allers-retours sur la taxation de l’huile de palme et les attaques des militants antiviande sont les dossiers qui concentrent les tensions. L’enjeu est de dénoncer « un ras-le-bol » général des agriculteurs, comme le formule Quentin Le Guillous, secrétaire général des JA en Ile-de-France.
« Le sentiment sur le terrain est extrêmement négatif »
« Les zones de non-traitement [ZNT] [par les pesticides], c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », explique M. Smessaert. Ces ZNT font l’objet de vives tractations entre les pouvoirs publics, les organisations environnementales et la FNSEA. L’arrêté censé fixer les règles du jeu, dont la publication était envisagée en novembre, est désormais attendu pour décembre. Son application devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2020. La question des phytosanitaires est centrale dans la mobilisation.
« Les céréaliers sont mis en cause dans leur emploi des pesticides. Leur expertise est niée. Et des mouvements végans s’attaquent à des élevages. Le sentiment sur le terrain est extrêmement négatif. On pensait que la question économique réglerait le problème. Mais il y a des endroits où l’économie fonctionne et où le ressenti reste négatif. Les agriculteurs s’interrogent sur leur place dans la société », explique André Bonnard, producteur de lait dans la Loire et secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). La FNSEA s’est émue des incendies qui ont touché quatre bâtiments d’élevage et causé la mort de 23 bovins, à Geyssans et à Parnans, dans la Drôme, samedi 23 novembre.
Les agriculteurs demandent au gouvernement de clarifier sa position sur les traités de libre-échange. Un sujet très sensible. A la suite de la ratification, en juillet, du CETA, à l’Assemblée nationale, plusieurs permanences de députés LRM ont été murées, et des élus ont été pris à partie par des éleveurs bovins très remontés contre cette concurrence qu’ils jugent déloyale. Les sénateurs devaient se prononcer sur le traité, mais le texte n’est pas inscrit à l’ordre du jour. « C’est un déni de démocratie », s’insurge M. Smessaert. Concernant le traité entre l’UE et le Mercosur, M. Macron a affirmé, lors du G7, à Biarritz, en août, qu’il retirait son soutien à ce projet. « Nous souhaitons qu’il soit définitivement rayé », exige M. Le Guillous.
Interrogation sur la cohérence du gouvernement
Les agriculteurs s’interrogent sur la cohérence du gouvernement, qui, d’un côté, fait voter l’article 44 de la loi EGalim, qui interdit la vente de produits agricoles ne respectant pas les règles sanitaires européennes et, de l’autre, soutient le CETA, prêt à ouvrir les portes à la viande canadienne qui ne les applique pas. La loi EGalim est au cœur des débats.
La FNSEA souhaite laisser au texte, dont certains décrets n’ont été publiés que début 2019, le temps d’être pris en main par la filière agricole, pour les négociations commerciales entre industriels et distributeurs qui ont commencé en novembre et qui devraient s’achever fin février 2020. Les filières laitières et bovines sont tout particulièrement attentives à la revalorisation des revenus agricoles, une des promesses des Etats généraux de l’alimentation voulus par M. Macron. Elles souhaitent que l’Etat fasse pleinement appliquer la loi.
Dans cette épreuve de force avec le gouvernement, la FNSEA reconnaît toutefois que « les signaux d’une prise de conscience du malaise agricole se sont multipliés », citant le discours « du président de la République, à Mayotte [fin octobre], pour apporter son soutien aux agriculteurs, le durcissement du ton face aux dénigrements et violences, avec la mise en place de la cellule “Déméter”, le maintien du budget des chambres d’agriculture ». Elle en attend d’autres.
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