Après la décision des eurodéputés, le président de la République s’est exprimé ce jeudi lors d’une conférence de presse à Lyon, disant son «besoin de comprendre».
Sidéré, mais surtout agacé. Quand il apprend, en marge de son déplacement à Lyon pour la Conférence de reconstitution du fonds mondial contre le sida, que la candidature de Sylvie Goulard à la Commission européenne est sèchement rejetée (82 votes pour, 29 contre), le sang d'Emmanuel Macron ne fait qu'un tour. « Il s'y attendait. Mais là, quand même, la claque est sévère. C'est stupéfiant », glisse un collaborateur. Quelques minutes plus tard, devant la presse, le chef de l'Etat ne cache même pas son courroux : « Je ne comprends pas ce qui s'est joué, j'ai besoin de comprendre », martèle le président, avec un sourire si crispé qu'il croit bon de préciser qu'il est, bien sûr, « très détendu ».
« La France s'est battue pour ce portefeuille. J'ai proposé trois noms, Ursula von der Leyen m'a dit : moi je veux travailler avec Sylvie Goulard, j'ai vu avec les chefs des groupes parlementaires, il n'y avait aucun problème. Donc là j'ai besoin de comprendre », enchaîne Macron qui essuie là un revers cinglant sur la scène européenne. Lui qui faisait encore, il y a quelques semaines, la une de Time magazine, avec ce titre un brin pompeux : « The next leader of Europe », le prochain patron de l'Europe…
C'est la première fois qu'un candidat présenté par la France pour un poste de commissaire européen est recalé par le Parlement européen. Le camouflet est tel que lorsque la nouvelle tombe, l'Elysée envoie illico pour consigne aux membres du gouvernement de ne faire aucun commentaire. Motus et bouche cousue ! Du moins tant que les éléments de langage du Palais n'ont pas été délivrés.
Bayrou très remonté contre le choix de Macron
Voilà pourtant plusieurs jours qu'on sentait déjà le vent tourner du mauvais côté. Quand Emmanuel Macron choisit, fin août, de proposer Sylvie Goulard à la Commission, il sait bien qu'elle est sous le coup d'une enquête dans l'affaire des assistants parlementaires européens du MoDem. N'a-t-elle pas dû démissionner de son fauteuil de ministre des Armées, pour cette raison, au bout de quelques semaines à peine?
En coulisses, François Bayrou, qui déteste son ancienne collègue centriste, l'alerte d'ailleurs sur ce risque. « C'est une erreur, l'enquête judiciaire n'est toujours pas terminée. Sa candidature a toutes les chances d'être rejetée », prophétise, très remonté contre ce choix de Macron, le maire de Pau. « C'est l'arrogante transgression de cette évidence qui a fait chuter Sylvie Goulard », a commenté hier l'eurodéputé Arnaud Danjean, vice-président du PPE.
A l'Elysée, et dans le camp macroniste, on a cependant tort de croire que Sylvie Goulard n'est écartée que pour de basses raisons politiques. C'est oublier que chez bien des partenaires, pays du Nord notamment, on ne badine pas avec la probité des politiques. Comme avertissait il y a une semaine une influente eurodéputée sociale-démocrate allemande, Evelyne Gebhardt, il est « choquant » de voir la France « nous envoyer ici quelqu'un dont elle veut se débarrasser ». Cela n'est pas passé.
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