Séance de signature du président des États-Unis, Donald Trump, et du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un après leur sommet à Singapour, sous le regard de Kim Yo-jong et Mike Pompeo. Photo : Reuters/Jonathan Ernst
Le président américain, Donald Trump, a gagné son impensable pari d'engager la Corée du Nord sur la voie de la dénucléarisation. Aujourd'hui, Washington et Pyongyang sont sur le chemin de la paix et non celui de la guerre.
Une analyse de Christian Latreille, correspondant à Washington
Cet impossible tête-à-tête redonne espoir pour l’instant à l’humanité toute entière d’éviter un conflit nucléaire. Le président Trump a réussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué, c’est-à-dire établir un début de relation avec un dirigeant nord-coréen.
Mais au-delà du spectacle et des bons mots, le plus difficile reste à faire.
Des rendez-vous manqués
Le diable est dans les détails. L’expression est galvaudée, mais résume fort bien ce qui attend l’administration Trump dans les prochains mois.
Donc, comment éviter que ce sommet ne se traduise que par des poignées de main et de bonnes intentions? Gardons à l’esprit que les relations entre les États-Unis et la Corée du Nord reposent sur une série de rendez-vous manqués.
Ce n’est pas la première fois que la Corée du Nord s’engage sur la route de la dénucléarisation. En 1992, le pays communiste a signé un accord avec la Corée du Sud garantissant l’inspection de ses installations. Ça ne s’est jamais produit.
En 1994, sous l’administration Clinton, Washington et Pyongyang se sont entendus pour faire de la péninsule coréenne une région libre d’armes nucléaires.
Dix ans plus tard, en 2002, la Corée du Nord a admis avoir développé en secret un programme d’enrichissement d’uranium. La bombe nucléaire était alors à portée de main pour la dynastie Kim.
Sain scepticisme
La menace nucléaire coréenne aura forcé les Américains à s’asseoir avec les Nord-Coréens. Sans cette menace atomique, Donald Trump ne se serait jamais rendu à Singapour.
Aucun calendrier précis n’a été précisé par les deux leaders. Et un sain scepticisme est de rigueur lorsque le président Trump, dans un moment d’enthousiasme, affirme que la dénucléarisation se fera rapidement.
La dénucléarisation de la Corée du Nord pourrait prendre de 10 à 15 ans, selon les experts. La première étape pour les États-Unis est de s’assurer que tous les tests de missile cessent, ainsi que le développement du programme nucléaire.
La deuxième étape est de viser le démantèlement des installations pour la production nucléaire et la fabrication de missiles à longue portée. Et enfin, le désarmement complet et vérifiable.
Si et seulement si ces étapes sont respectées par la Corée du Nord, les sanctions internationales pourraient être complètement levées selon Michael O'Hanlon, de la Brookings Institution.
Les Américains vont devoir manier habilement le bâton (la pression des sanctions) et la carotte (la levée progressive des sanctions et l’aide financière) pour amener lentement la Corée du Nord à se débarrasser de ses armes de destruction massive.
Vers la dénucléarisation?
Kim Jong-un rentre à la maison avec une entente signée qui ne l’oblige à rien dans l’immédiat. Et personne ne peut prévoir s’il respectera son engagement à travailler à la dénucléarisation. Kim est-il si différent de son père et de son grand-père, qui n’ont jamais joué franc jeu?
Peu importe, le président Kim a déjà gagné en étant vu sur la même scène que le président des États-Unis. Une rencontre qui lui donne une certaine légitimité internationale et redore son image ternie de dictateur. De plus, il obtient la garantie des Américains que les manoeuvres militaires avec la Corée du Sud vont cesser.
Il a promis la prospérité à son peuple lorsqu’il a pris le pouvoir en 2011. La majorité des Nord Coréens n’ont pas encore vu de progrès économiques. L’amélioration de leur niveau de vie passe, entre autres, par l’abolition des sanctions.
La Corée du Nord pourrait-elle devenir un de ces tigres asiatiques comme la Malaisie et la Thaïlande, aux succès économiques retentissants? Il est permis de le croire, à la lumière de l’extraordinaire succès industriel et commercial que connaît son voisin la Corée du Sud.
Mais, quel intérêt Kim Jong-un a-t-il d’abandonner complètement son arsenal? Qui va s’intéresser à la Corée du Nord sans cette menace du feu nucléaire qui a forcé les Américains à amorcer un dialogue?
Donald Trump a fait le pari qu’en traitant Kim Jong-un avec respect, les États-Unis réussiraient à mettre en place une atmosphère de travail productive. Au lieu de proposer une entente complexe et de tenter de la faire appliquer comme d’autres présidents l’ont fait auparavant, Trump attaque le problème autrement.
Le temps lui donnera peut-être raison. Pour l’instant, on peut se réjouir des résultats de ce sommet, oui, historique. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Le dégel des relations entre les États-Unis et la Corée du Nord est bienvenu. Le vrai travail commence aujourd’hui, pour éviter que les promesses d’hier soient enterrées dans le cimetière des rendez-vous manqués.
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Faire très ATTENTION CAR les nord-coréens, les illuminés n'ont pas dit leur dernier mot..
Voici le texte de l’accord :
«Le président Trump et le président Kim Jong Un ont eu un échange d’opinions complet, approfondi et sincère sur les questions relatives à l’établissement de nouvelles relations entre les Etats-Unis et la RPDC (République populaire démocratique de Corée) et l’édification d’un régime de paix solide et durable sur la péninsule coréenne.
Convaincus que l’établissement de nouvelles relations Etats-Unis/RPDC contribuera à la paix et à la prospérité de la péninsule coréenne et du monde, et reconnaissant que l’établissement d’une confiance mutuelle peut promouvoir la dénucléarisation de la péninsule coréenne, le président Trump et le président Kim Jong Un déclarent:
1. Les Etats-Unis et la RPDC s’engagent à établir de nouvelles relations entre les Etats-Unis et la RPDC conformément au souhait de paix et de prospérité des peuples des deux pays.
2. Les Etats-Unis et la RPDC uniront leurs efforts pour construire un régime de paix durable et stable sur la péninsule coréenne.
3. Réaffirmant la déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018 (publiée lors d’un sommet intercoréen NDLR), la RPDC s’engage à travailler vers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.
4. Les Etats-Unis et la RPRC s’engagent à retrouver les dépouilles des prisonniers de guerre et portés disparus au combat, y compris le rapatriement immédiat de ceux qui sont déjà identifiés.
Reconnaissant que le sommet Etats-Unis/RPDC, le premier de l’histoire, est un événement de grande importance, qui fait date en ce qu’il tourne la page de décennies de tensions et d’hostilités entre les deux pays et augure d’un avenir nouveau, le président Trump et le président Kim Jong Un s’engagent à mettre en oeuvre les provisions de cette déclaration conjointe de manière exhaustive.
Les Etats-Unis et la RPDC s’engagent à tenir dès que possible des négociations de suivi, menées par le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et un homologue de haut niveau de la RPDC, pour mettre en oeuvre les résultats du sommet Etats-Unis/RPDC.
Le président Donald Trump et le président Kim Jong Un se sont engagés à coopérer pour le développement de nouvelles relations entre les Etats-Unis et la RPDC et la promotion de la paix, de la prospérité et de la sécurité de la péninsule coréenne et du monde».
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