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Perturbateurs endocriniens : le vote camouflet du Parlement européen

Publié par Brujitafr sur 5 Octobre 2017, 13:03pm

Catégories : #ACTUALITES, #SANTE, #EUROPE

Les eurodéputés ont rejeté, mercredi, la proposition de réglementation de Bruxelles jugée beaucoup trop laxiste.
 

C’est un énième camouflet pour la Commission européenne. Mercredi 4 octobre, le Parlement de Strasbourg a rejeté à la majorité absolue son projet de réglementation des perturbateurs endocriniens (PE).

Réunis en session plénière, les députés européens ont adopté, à 389 voix pour (235 voix contre et 70 abstentions), une objection au projet proposée par les groupes des socialistes (S&D) et des Verts (Verts-ALE) en septembre. La Commission devra donc revoir sa copie et proposer une autre version de ses « critères d’identification des perturbateurs endocriniens » « dans les plus brefs délais ».

Ces critères constituent un outil essentiel à l’application du grand règlement européen sur les pesticides de 2009. Ils doivent permettre d’identifier les PE afin de les retirer du marché ou de leur en interdire l’accès. Et si ces interdictions concernent d’abord les PE dans la famille des pesticides, elles devraient ensuite s’étendre à d’autres catégories de produits où ils sont également courants : cosmétiques, plastiques ou jouets.

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Capables d’interagir avec le système hormonal des êtres vivants, les PE contaminent aussi bien l’environnement que les organismes humains. En s’appuyant sur les données de surveillance officielles, l’ONG Pesticide Action Network avance, dans un rapport publié mardi, qu’un tiers des fruits européens contiendraient des pesticides ayant des propriétés de perturbation endocrinienne – mandarines, oranges, raisins et pêches en tête.

Revirement de la France

Les PE participent à l’augmentation de maladies comme l’infertilité, certains cancers, le diabète et l’obésité, ainsi que des troubles de développement du cerveau (autisme, baisse de QI…). La toute dernière étude scientifique sur le sujet, publiée récemment par une équipe de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), confirmait le lien entre une exposition à certains PE pendant la grossesse et des troubles du comportement chez les petits garçons de 3 à 5 ans.

Lire aussi :   Les phtalates interfèrent sur le comportement des petits garçons

Le commissaire européen à la santé, Vytenis Andriukaitis, « regrette » le vote du Parlement, a-t-il fait savoir dans un communiqué. Le Lituanien, cardiologue de métier, porte à bout de bras le projet de réglementation, sous le feu des critiques depuis le moment même de son annonce le 15 juin 2016.

Malgré les amendements apportés au fil des mois, la communauté scientifique et la société civile jugeaient la proposition beaucoup trop laxiste.

C’était aussi le cas de certains Etats membres, comme la France, qui la bloquaient au sein du comité spécialisé où se réunissent leurs représentants. Mais le changement de gouvernement et la nomination de Nicolas Hulot au ministère de la transition écologique et solidaire avaient changé la donne : grâce au revirement de Paris, la Commission avait fini par arracher une majorité qualifiée le 4 juillet, après de longs mois de difficiles négociations.

Lire aussi :   Perturbateurs endocriniens : pourquoi ONG et spécialistes s’inquiètent

Pour M. Andriukaitis, le parcours du combattant commence à ressembler à un chemin de croix. Car l’objection adoptée par les parlementaires mercredi concerne en fait un point très précis : une dérogation qui a justement permis au commissaire d’obtenir l’adhésion des Etats membres les plus rétifs à la réglementation. En particulier l’Allemagne, inquiète pour son industrie chimique.

Les eurodéputés dénoncent un abus de pouvoir

Alors que l’objectif du règlement sur les pesticides est de faire disparaître les PE du marché, cette dérogation aurait permis d’épargner les pesticides conçus spécialement pour agir sur le système endocrinien de leurs cibles. C’est-à-dire des pesticides conçus pour, justement, être des PE. Un comble pas seulement sur le principe mais aussi en termes juridiques, selon les eurodéputés. Ils considèrent en effet cette clause de « désidentification » des PE comme un abus de pouvoir de la Commission et donc illégale.

Pour eux, l’exécutif européen outrepasse ses prérogatives en aménageant des exceptions dans la loi, et donc en intervenant sur certains de ses « éléments essentiels », votés au Parlement il y a huit ans de cela.

Lors de la discussion avec les députés européens, mardi dans la soirée, le commissaire à la santé a défendu son projet, résultat d’un « solide compromis qui n’aurait pu être atteint sans cet ajout, demandé par certains Etats membres au cours des négociations ». Mais M. Andriukaitis a rencontré une opposition de tous les partis.

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« Cette proposition est peut-être un compromis mais on ne peut pas faire de compromis avec la santé des gens », a asséné la socialiste danoise Christel Schaldemose, rappelant au passage que son pays était contre les critères tels quels. La Finlandaise du groupe Démocrates-chrétiens Sirpa Pietikäinen lui a fait écho : « C’est un compromis politique mais on ne devrait pas jouer avec la santé des gens. »

L’objection avait été, dans un premier temps, adoptée en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement jeudi 28 septembre, mais l’obtention d’une majorité absolue lors de la séance plénière ne relevait pas de l’évidence. Il semblerait que la question démocratique a mobilisé les eurodéputés autant que la question de santé publique.

« Compromis foireux »

« Le Parlement européen a dit : pas de mépris pour la santé, pas de mépris pour la démocratie, a déclaré l’eurodéputé du groupe Verts-ALE Yannick Jadot dans une vidéo diffusée sur son compte Twitter. La Commission maintenant a la responsabilité de revenir avec une proposition qui ne soit pas encore une fois un compromis foireux dans des salles obscures. » Pour les Socialistes et démocrates, Eric Andrieu a tweeté pour sa part : « Démocratie, principe de précaution 1, lobbyistes de l’industrie chimique 0. »

Quant aux organisations non gouvernementales comme Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL), elles « applaudissent la décision courageuse de mettre un veto à une proposition qui manquait d’ambition et qui aurait échoué à protéger la santé humaine et l’environnement ».


 

La Commission a déjà quatre ans de retard sur les délais fixés par la loi, ce qui lui a valu, fin 2015, une condamnation par la Cour de justice de l’UE. Les critères d’identification des PE devaient en effet être prêts pour décembre 2013, mais des manœuvres de lobbying orchestrées par les industriels des pesticides et de la chimie avaient fait dérailler le processus au début de l’été. Il s’était, depuis, enlisé.

Le commissaire Andriukaitis et ses services ne doivent pas repartir de zéro, mais c’est tout comme. Il leur faudra à nouveau affronter des semaines, peut-être des mois de négociations avec les Etats membres. Sous la surveillance rapprochée des parlementaires aux aguets.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/10/04/perturbateurs-endocriniens-le-vote-camouflet-du-parlement-europeen_5196122_3244.html#0TQrwVeQ8duiTQ2l.99

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