Effectifs réduits et rythme de travail élevé ont mis les ministres et leurs conseillers sur les rotules en trois mois. "Le Monde" a recueilli des témoignages édifiants.
« Débordés », « à bout de souffle », les cabinets ministériels et les équipes administratives vivent un « enfer » un peu plus de trois mois après l'arrivée d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. Comme promis pendant la campagne, le nouveau chef de l'État a réduit massivement les effectifs des cabinets pour les forcer à travailler main dans la main avec l'administration plutôt qu'à refaire son travail. Un décret publié le 19 mai au Journal officiel limite à dix le nombre de conseillers pour un ministre, huit pour un ministre délégué et cinq pour un secrétaire d'État. Et le rythme soumis aux équipes apparaît difficilement tenable d'après des témoignages recueillis par Le Monde .
Une conseillère de Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, a même fait un burn-out trois semaines seulement après sa prise de fonction. Un avertissement qui confirme l'état des troupes. « On est débordés », souffle un habitué de Matignon, sous couvert d'anonymat. « Tous les jours, c'est 7 heures-23 h 45, indique un conseiller ministériel. Pour les ministres, c'est pareil. C'est l'enfer. On verra combien de temps ça dure. » « On frôle l'embolie, avertit un conseiller de Bercy. Les ministres sont acculés, ils peuvent à peine traiter les urgences médiatiques. »
Le directeur de cabinet d'un grand ministère assure au quotidien du soir travailler 18 à 20 heures par jour en semaine, avec un rab de cinq heures par jour le samedi et le dimanche. « Le rythme est très éprouvant physiquement. Les nuits sont courtes. J'essaie de rentrer chez moi trois soirs dans la semaine pour l'heure du dîner et pour coucher mon fils. Puis je me remets au travail jusqu'à 1 ou 2 heures du matin », détaille-t-il.
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Un moyen de brider les ministres ?
Conscients des limites de ce dégraissage, plusieurs ministres ont évoqué l'état de fatigue avancé de leurs équipes auprès de l'Élysée et de Matignon. « Même si c'est dur, il va falloir changer de logiciel, nous n'avons pas le choix. Car sinon, tout le monde va mourir », alerte l'un d'entre eux. En réponse, « ils nous demandent de tenir. Ils disent que sinon, on n'arrivera pas à changer les habitudes », explique au Monde un conseiller. « Quand il y avait plus de ministres et plus de cabinets, ça fonctionnait moins bien », se défend l'Élysée.
Mais pour un membre de l'ancienne équipe gouvernementale, la réduction des effectifs a un but bien précis pour Emmanuel Macron : « C'est un moyen de dire : Vous voyez ? Je fais mieux avec moins ! C'est aussi le moyen de dépolitiser les dossiers et de tenir les ministres bride courte. Il peut décider de tout, tout contrôler. »
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