Après des bras d'honneur
d'Éric Dupond-Moretti
à l'Assemblée, des députés
demandent sa démission
Eric Dupond-Moretti : "Ce siècle est
hypermoralisateur"
POLITIQUE - D’aucuns pourraient y voir une forme de « bordélisation », venant cette fois du camp présidentiel. Ce mardi 7 mars, les débats à l’Assemblée nationale ont clairement dérapé, alors qu’il n’était pas question du projet qui électrise le Parlement : la réforme des retraites.
Sur proposition du groupe Renaissance, les députés examinaient un texte visant à « étendre le champ d’application de la peine d’inéligibilité aux cas de condamnation pour violences aggravées ». L’occasion pour la majorité présidentielle de donner une suite politique à l’affaire Quatennens, sauf que des gestes déplacés commis par Éric Dupond-Moretti ont enflammé les discussions.
Tout a déraillé après la déclaration faite par le patron du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix. Hostile au texte, le député de droite invitait la Macronie à faire « un devoir d’introspection », en rappelant les casseroles judiciaires de plusieurs membres de la majorité ou du gouvernement.
Dont le garde des Sceaux, « accusé de prise illégale d’intérêt ». Un inventaire des procédures qui embarrassent Renaissance qui n’a pas (du tout) plu au ministre de la Justice. Selon plusieurs élus présents de l’hémicycle, Éric Dupond-Moretti a ainsi adressé deux bras d’honneur au député d’Eure-et-Loir au moment où il descendait de la tribune. Ces gestes n’étaient pas dans le champ des caméras de l’Assemblée.
Ce qui a provoqué un véritable tollé. Député LR du Bas-Rhin, Patrick Hetzel a fait un rappel au règlement pour dénoncer l’attitude du ministre. « On en peut qu’être choqué par ce genre de pratiques », s’est indigné l’élu de droite, pendant que plusieurs de ses collègues, de droite comme de gauche, exprimaient leur consternation sur les réseaux sociaux.
Éric Dupond-Moretti a donc demandé la parole pour s’expliquer. « J’ai été mis en examen, pas condamné », s’est défendu le garde des Sceaux, assumant « deux bras d’honneur accompagnés de paroles ».
Les excuses du ministre
De quoi faire sortir de ses gonds la vice-présidente de l’Assemblée nationale, Élodie Jacquier-Laforge, qui animait les débats. « Monsieur le ministre, de quoi vous parlez exactement. Vous avez fait deux bras d’honneur, c’est ce que vous dites à l’Assemblée ? », a interrogé la députée MoDem de l’Isère, avant de suspendre la séance. À la reprise, Éric Dupond-Moretti a assuré que le geste n’était « pas adressé au député Marleix » mais à l’atteinte « à la présomption d’innocence ».
Ce qui n’a pas convaincu Olivier Marleix. « Faire deux bras d’honneur pour un membre du gouvernement à un membre de la représentation nationale me paraît extrêmement peu exemplaire », a estimé le député qui a demandé des excuses. « C’est le geste de quelqu’un qui a eu tort d’avoir réagi comme il a réagi à une accusation qu’elle juge infondée depuis deux ans et demi », a insisté le Garde des Sceaux. Toujours insuffisant pour Olivier Marleix, qui a réitéré sa demande d’excuses à l’égard de l’Assemblée nationale, avant de réclamer (et d’obtenir) une deuxième suspension de séance. Avant lui, plusieurs présidents de groupe, comme Boris Vallaud pour le parti socialiste ou Mathilde Panot pour LFI réclamaient également des excuses.
« Monsieur le président Marleix, je le dis à toute la représentation nationale, je suis profondément affecté par ce moment que je suis emmené à vivre. Je redis avec beaucoup de force que je n’ai pas voulu viser le président Marleix. Si mon geste a été mal interprété, je lui présente mes excuses, ainsi qu’à toute la représentation nationale », a fini par déclarer Éric Dupond-Moretti.
Fin de l’incident ? Les insoumis, souvent accusés par la Macronie de nuire aux institutions, ne manquent pas de saisir la balle au bond. « Bien sûr, on attend le tweet de la présidente Yaël Braun-Pivet qui va défendre l’honneur de la représentation nationale », a ironisé sur Twitter le coordinateur de la France insoumise, Manuel Bompard.
"À la Première ministre de prendre ses responsabilités"
Des propos qui ne sont pas jugés suffisants par de nombreux élus, à commencer par Marine Le Pen.
"Les deux bras d’honneur adressés par le garde des Sceaux en plein hémicycle à la représentation nationale le discréditent dans les fonctions éminentes qui sont les siennes. C’est à la Première ministre maintenant de prendre ses responsabilités", a ainsi écrit la numéro 1 des députés RN sur son compte Twitter.
C'est "indigne de votre fonction", lui a lancé la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, critiquant les membres du camp macroniste "qui donnent des leçons de maintien et nous expliquent sans cesse qu'ils sont les arbitres des élégances".
#Brigitte #Macron : comment
a-t-elle réussi à sauver un célèbre
ministre qui était sur le départ ?
Brigitte Macron à la rescousse
d'Eric Dupont-Moretti
Le 10 mai 2022, le ministère public de la Cour de justice de la République demandait le renvoi devant la Cour d'Eric Dupond-Moretti. Et comme l'a révélé Le Canard Enchaîné, le mercredi 25 mai 2022, Brigitte Macron est parvenue à sauver le mari d'Isabelle Boulay, in extrémis, permettant ainsi sa reconduction. Alors que la presse annonçait son départ le jeudi 19 mai 2022 au matin, la Première dame en a décidé autrement. La femme d'Emmanuel Macron lui aurait montré son soutien lors d’un déjeuner en tête-à-tête au courant du mois de mai 2022. En marge de ce déjeuner, la maman de Tiphaine Auzières aurait convaincu Emmanuel Macron de maintenir le ministre de la Justice dans ses fonctions. Durant la soirée du jeudi 19 mai 2022, le Canard Enchaîné assurait qu'"Emmanuel Macron se serait entretenu avec Éric Dupond-Moretti pendant une heure". Le vendredi 20 mai 2022, le nom du Garde des Sceaux figurait bel et bien dans la liste des heureux élus. Il peut dire merci à Brigitte Macron !
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