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La guerre du gaz dans les Balkans est silencieuse, mais cette lutte d'influence entre Russie et Occident pèse sur l'avenir de cette région fragile du sud-est de l'Europe, selon les experts.
Un cadre de Gazprom à Moscou le 30 juin 2017.
La situation est-elle en train de se tendre dangereusement dans les Balkans ?
La guerre du gaz dans les Balkans est silencieuse, mais cette lutte d'influence entre Russie et Occident pèse sur l'avenir de cette région fragile du sud-est de l'Europe, selon les experts. Moscou accumule les revers dans cette région. Slave et orthodoxe, le Monténégro vient de rejoindre l'Otan. En Macédoine, le nouveau pouvoir social-démocrate semble tenté et s'éloigne des penchants prorusses du pouvoir de droite précédent.
Si l'Europe a clairement l'avantage en termes d'investissements dans les économies locales, la Russie dispose d'un atout: la carte énergétique. Le gaz représente un quart de la consommation énergétique de l'Union européenne. Or, en 2016, le géant russe Gazprom disait fournir le tiers du gaz consommé en Europe.
Dans les Balkans, la dépendance au gaz est appelée à s'accroître avec la diminution de la production d'électricité par les centrales à charbon, exigée par l'Union européenne. La Croatie est déjà membre de l'UE, les autres pays aspirent à le devenir et sont à des stades plus ou moins avancés du processus.
"Dans la problématique plus large de la lutte d'influence entre la Russie et l'Ouest, la question énergétique est un facteur de déstabilisation de la région", dit Timothy Less, patron du centre de réflexion Nova Europa, qui conseille les investisseurs étrangers dans la région. "En Serbie, en Bosnie, en Bulgarie et en Macédoine, la Russie essaie de transformer la dépendance gazière en dépendance politique, afin de faire obstacle à l'intégration à l'ouest", affirme encore l'expert.
La bataille des tuyaux
Pour le moment, l'influence russe est limitée par le manque d'infrastructure: faute de gazoduc, le gaz russe ne peut atteindre la plupart des pays de la zone, explique M. Less. Et les Occidentaux espèrent prendre Moscou de vitesse en soutenant des réseaux concurrents.
Cette région "du sud-est de l'Europe est au carrefour des couloirs énergétiques reliant l'est et l'ouest", explique à l'AFP l'ancien ministre albanais des Affaires étrangères Paskal Milo. "L'intérêt de cette région ne vient pas de son potentiel économique mais de sa position de zone de transit vers d'autres marchés stratégiques et de zone de stockage de gaz." "Après plusieurs années durant lesquelles la Russie a semblé gagner la bataille de l'énergie, l'Ouest semble reprendre l'avantage", juge M. Less.
Soutenu par l'Union européenne, le Trans-Adriatic Pipeline (TAP) prévoit d'amener à partir de 2020 le gaz azerbaïdjanais depuis la Turquie via la Grèce, l'Albanie puis, en traversant l'Adriatique, l'Italie. Les travaux ont commencé en Albanie. Ce projet "pourrait améliorer, même de manière minimale, la sécurité énergétique en gaz de l'Union européenne", dit Nicolas Mazzucchi, de l'Institut français de relations internationales et stratégiques (IRIS).
Les Turcs au centre du jeu
Cela ne suffit pas aux Européens. Comme les Américains, ils travaillent sur un "périphérique gazier" des Balkans, l'Ionian-Adriatic Pipeline (IAP), qui approvisionnerait la Bosnie, le Monténégro, l'Albanie et la Croatie. Couplé à un terminal de gaz liquide dans l'île de Krk, au nord de la Croatie, ce projet concurrencerait fortement le gaz russe.
En mai, sept pays (Albanie, Bosnie, Bulgarie, Croatie, Kosovo, Macédoine et Monténégro) ont conclu, avec le soutien de l'agence américaine USAID , un accord prévoyant le développement du réseau de transport de gaz pour diminuer la dépendance vis à vis de la Russie. Seules la Serbie et la Roumanie ne font pas partie des signataires.
Comment la Russie peut-elle répliquer? Le projet South Stream, qui devait amener du gaz russe jusqu'en Autriche, a été abandonné en 2014. Le projet de remplacement, le Turkstream, a fait l'objet d'un accord conclu en octobre 2016 avec Ankara, dans un contexte d'amélioration des relations entre les deux pays. En visite en Turquie cette semaine, le président serbe, Aleksandar Vucic, a souhaité que ce gazoduc soit relié à son pays.
Mais les analystes estiment le projet techniquement délicat: il faudra aller à deux kilomètres de profondeur dans la mer Noire. Et surtout, il reste soumis à des aléas géopolitiques importants, selon Igor Dekanic, professeur à la faculté de géologie de Zagreb: "Cela est dépendant des relations entre la Turquie, la Russie et l'Union européenne, de la question des migrants, de la Syrie..."
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