Les mesures législatives et les déclarations liberticides s'enchaînent à un rythme inquiétant dans notre beau pays, qui fut il n'y a pas si longtemps de cela l'image même de la liberté et de la douceur de vivre. Si cette tendance a été ouvertement marquée sous le Covid, elle prend toute son ampleur dans le cadre du conflit en Ukraine.
Deux nouvelles viennent de tomber, qui se complètent dangereusement. La première concerne la régulation de l'expression sur internet. Au-delà des difficultés techniques objectives de mise en œuvre, la question mérite d'être soulevée.
Aucun espace ne peut être hors réglementation. La liberté totale n'existe pas, et cela devient évident au minimum dès que l'on a dépassé l'adolescence. La liberté totale, c'est le chaos, autrement dit la loi du plus fort. Qui remplace la loi du plus juste. Donc l'idée en soi de réglementer et sanctionner les abus et la violence dans l'espace numérique n'est pas une mauvaise chose.
Cela fait d'ailleurs quelque temps que cette idée fait son chemin, en général elle est particulièrement mal ficelée et a conduit à des conflits fondamentaux entre l'UE et les États, la première ne voulant en rien laisser aux États des compétences dans un domaine aussi sensible et important politiquement.
Ne soyons pas naïfs, il ne s'agit pas de protéger les libertés, mais de savoir quel discours sera acceptable. Et les Etats n'ont plus la souveraineté leur permettant de déterminer un élément fondamental de la vision du monde, que les politiques (qui ne sont elles-mêmes plus nationales) doivent porter.
La dérive dans les débats parlementaires est ouvertement arrivée avec la proposition d'un article 5 bis portant délit d'outrage en ligne. Je cite :
Beaucoup de questions se posent, puisqu'il s'agit d'un mécanisme extra-judiciaire. C'est-à-dire que la sanction pénale sera adoptée sans décision de justice et donc sans les garanties procédurales, normalement prévues dans le cadre judiciaire.
La plus grande réserve concerne le fond : comment définir ces concepts, quels seront les critères de leur applicabilité, comment garantir une application uniforme et équitable ? Ce n'est pas possible. Essayez de faire reconnaître les insultes sur Twitter, c'est totalement aléatoire. Et quand cela concerne les chiens de garde "NafoFella" ou les comptes affiliés ukrainiens, ils ont une totale impunité pour vous insulter. Je ne parle même pas des sanctions sur Facebook. Confier à l'ARCOM un tel pouvoir, ne pourra se faire sans la collaboration de ces géants et de toute manière, la conduite de l'ARCOM à l'égard des médias français montre sa partialité.
C'est l'impasse fondamentale de ces mécanismes : si théoriquement, il est en effet nécessaire de réguler l'espace numérique pour en limiter les violences et sanctionner les infractions, qui y sont commises, en pratique cela revient à sanctionner un discours, qui ne convient pas.
Et plus la situation est radicale, plus l'espace d'expression se rétrécit. Les "fakes news", autrement dit les mensonges et fausses nouvelles, qui existaient toujours, sont devenues à la mode avec le covid, car la vérité idéologique covidienne ne pouvait être remise en cause. Toute une panoplie de "vérificateurs" et d'"estamplilleurs" de Vérité sont alors apparus.
Avec l'engagement atlantiste radical de la France dans la guerre en Ukraine, l'espace de liberté d'expression se réduit encore. Nous sommes entrés dans une phase de propagande de guerre. Ce qui permet au ministre français des Affaires étrangères, faisant le beau devant Blinken, son supérieur direct, de le réconforter en précisant bien qu'aucun pluralisme ne sera accepté, puisque le discours atlantiste est la "vérité-vraie". La seule, l'unique. Amen !
Il ne s'agit pas de désinformation dans le sens classique du terme, mais bien de sanctionner tout discours, qui ne conforte pas la ligne agressive et docile tenue par les élites dirigeantes françaises. En fait, il s'agit de conforter la désinformation, puisque l'information suppose le pluralisme, qui est désormais banni.
Ainsi, en joignant ces deux éléments, l'outrage en ligne et la sanction d'un discours non-aligné, nous arrivons à la mise en place de ce ministère de la Vérité, qui vous explique notamment que la guerre c'est la paix.
"Très probablement, les confessions avaient été réécrites et réécrites encore, si bien que les faits et les dates primitifs n'avaient plus la moindre signification. Le passé, non seulement changeait, mais changeait continuellement.
Ce qui affligeait le plus Winston et lui donnait une sensation de cauchemar, c'est qu'il n'avait jamais clairement compris pourquoi cette colossale imposture était entreprise. Les avantages immédiats tirés de la falsification du passé étaient évidents, mais le mobile final restait mystérieux. Il reprit sa plume et écrivit :
Je comprends comment. Je ne comprends pas pourquoi."
George Orwell (1984) est d'une actualité glaçante.
Séjourné veut «proposer» une nouvelle loi contre la «désinformation» russe
Lors d’une conférence de presse le 2 avril, le patron du Quai d’Orsay a annoncé que Paris proposerait aux Européens un «régime de sanctions dédié» à ceux qui «soutiennent les entreprises de désinformation et de déstabilisation» russes. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement français a ressorti la menace de supposées fausses informations russes.
«La Russie recourt au mensonge et à la manipulation de nos opinions publiques», a accusé le 2 avril le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, lors d’une conférence de presse avec son homologue américain, Antony Blinken. «Elle finance des ingérences, promeut des faux médias», a-t-il ajouté.
«Nous serons déterminés en Europe à contrer cette propagande […] la France proposera d’ailleurs prochainement un régime de sanctions dédiées à ceux qui soutiennent les entreprises de désinformation et de déstabilisation de notre pays et de l’ensemble des Européens», a-t-il annoncé, aux côtés de son invité impassible, sans donner de précisions.
Les réseaux sociaux dans le collimateur de Paris
Depuis plusieurs mois, les autorités françaises s’adonnent à une nouvelle charge contre la Russie, l’accusant d’être impliquée dans «l’amplification artificielle» de polémiques qui auraient écorné l’image de la France.
Ces accusations coïncident avec un accroissement de tensions entre la France et la Russie, au moins depuis la mi-janvier et l'annonce de la livraison de 40 missiles Scalp supplémentaires à Kiev. Depuis, Moscou a dénoncé l'implication croissante de Paris en Ukraine et l'Élysée a multiplié les déclarations, refusant notamment d'exclure un envoi de troupes occidentales en Ukraine, accroissant les tensions entre les deux pays.
S’appuyant sur un rapport publié en février dernier par Viginum, l’organisme français supposé lutter contre les ingérences numériques étrangères, le Quai d’Orsay avait accusé Moscou d’une «nouvelle opération d’ingérence numérique russe contre la France», via une «amplification artificielle» de certaines informations sur les réseaux sociaux. On retrouve notamment le cas des étoiles de David, taguées au pochoir fin octobre en région parisienne. Le rapport ciblait aussi une vingtaine de chaînes Telegram, censurées depuis. Leur tort : être des sources du portail «pravda-fr.com».
Un épisode qui fait d’ailleurs partie des prétextes du camp présidentiel à l’Assemblée pour présenter une proposition de loi visant à «prévenir les ingérences étrangères» en autorisant, notamment, les services de renseignement à recourir à des moyens pour l’heure réservés à l’antiterrorisme, comme la surveillance algorithmique.
Même rengaine lors de la polémique autour des punaises de lit, également survenue à l’automne 2023. Suite au tollé suscité par la diffusion de vidéos de ces insectes dans les transports en commun parisiens, à quelques mois des JO, le gouvernement français était allé jusqu'à pointer du doigt la Russie, l’accusant d’avoir «amplifié» la psychose sur les réseaux sociaux.
La version du gouvernement français, nouveau baromètre de l’information autorisée ?
Fin janvier, le ministère français des Armées avait à son tour revendiqué avoir identifié une «manœuvre coordonnée de la Russie» visant à «relayer et amplifier» des «fausses informations». Des accusations portées notamment à l’encontre d’agences de presse russes sur la seule base qu’elles citaient des déclarations de la Défense russe sur l’élimination de «mercenaires français» mi-janvier en Ukraine, une présence que dément Paris.
Une version officielle française qu’a d’ailleurs brandie Stéphane Séjourné le 2 avril comme motif au futur régime de sanctions. Le ministre français a ainsi évoqué, parmi ses accusations à l’encontre de la Russie, le fait qu’elle «accuse l’Ukraine et l’Europe de crimes commis par d’autres». Référence au fait que Moscou n’entend pas arrêter son enquête sur l’attentat qui a frappé le Crocus City Hall le 22 mars à la seule revendication de l’État islamique.
Depuis plusieurs années, l'information russe dérange Paris
Ce n'est bien sûr pas la première tentative française à l'encontre de médias russes. Les autorités européennes ont immédiatement interdit de diffusion sur le territoire de l’UE les médias publics russes Sputnik et RT «et leurs filiales», les accusant de faire la «propagande» des autorités russes, dans la foulée du conflit en Ukraine. Une mesure que les États-Unis n'ont pas prise, en vertu du premier amendement garantissant la liberté d'expression.
Suite aux trains successifs de nouvelles sanctions européennes, Bercy était parvenu en avril 2023 à couler RT France en gelant les comptes bancaires de la chaîne, précipitant au chômage 130 journalistes et professionnels des médias. Ceux-ci n’avaient pourtant jamais été épinglés pour une quelconque «fake-news», en dépit des accusations des soutiens et ministres d’Emmanuel Macron.
En coulisses, la panique grandit ...
Puisque vous êtes là…
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