42.000 EUR de l’État
et sœur de Benjamin Griveaux:
les dessous d’une loi
au final rejetée
Le gouvernement français a confié l’élaboration d’une loi à un cabinet d’avocats privé. En plus de son coût de 42.000 euros pour l’État, l’affaire a aussi impliqué une figure importante en droit public, la sœur de Benjamin Griveaux.
L’initiative, première de l’Histoire en son genre, a été finalement peine perdue, rejetée par le Conseil d’État.
Le cabinet d'avocats Dentons a remporté un contrat public pour préparer un projet de loi sur les transports, selon le magazine Marianne. Comme l'a confirmé au média Dentons, il s'agissait du premier cas de l'Histoire d'un recours de l'État à un cabinet d'avocats privé pour rédiger une étude d'impact d'un projet de loi.
Cette initiative, qui a d'ailleurs coûté à l'État 42.000 euros, n'a pas été accueillie avec bienveillance par l'opposition parlementaire, toujours selon la même source.
«Confier l'exposé des motifs d'une loi à une personne privée, c'est inadmissible. S'il y a un acte politique et qui doit être assumé comme tel, c'est celui-là», a estimé, cité par Marianne, le sénateur Jean-Pierre Sueur, auteur d'un rapport sur la qualité des études d'impact, en février 2018.
Un autre détail de l'affaire sur lequel attire l'attention le média c'est la personnalité de la principale collaboratrice en droit public qui est Dorothée Griveaux, sœur du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.
Le cabinet Dentons a confirmé à Marianne que Dorothée Griveaux avait effectivement «donné un coup de main» sur l'étude d'impact, mais, comme le précise l'interlocuteur, y a consacré «moins de 15 heures». Cependant, comme l'a expliqué un avocat, «ça ne veut pas dire qu'elle a eu un rôle à jouer dans la procédure».
«Ce marché de prestation a été commandé par l'administration et pour le compte de l'administration [la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, ndlr]», a précisé le cabinet d'Élisabeth Borne. Quant au frère de Dorothée Griveaux, porte-parole du gouvernement, «il n'a évidemment rien à voir avec cette étude d'impact», selon l'entourage de Benjamin Griveaux, cité par Marianne.
En fin de compte, le projet de loi a été rejeté par le Conseil d'État, 42.000 euros d'argent public n'ayant été que de la pure perte:
«L'étude d'impact […] ne satisfait pas, en ce qui concerne ces dispositions, aux exigences posées par la loi organique du 15 avril 2009. Non seulement elle ne présente ni le dispositif retenu ni les objectifs qu'il poursuit, mais, en outre, elle met en avant, pour le justifier, un constat erroné», ont estimé les juges administratifs.
C'est officiel: L'Etat demande
au privé de rédiger nos lois.....
(29/11/2018 )
Quand l’Etat décide de sous-traiter la
rédaction de « l’exposé des motifs »
de la loi « mobilités »
L’exécutif affirme que cet appel d’offres, remporté par un cabinet d’avocats, visait essentiellement à réaliser l’étude d’impact du projet de loi présenté lundi en conseil des ministres.
C’est une première en politique. Le gouvernement d’Edouard Philippe a lancé, en janvier, un appel d’offres visant à sous-traiter à une entreprise privée la rédaction de « l’exposé des motifs » du projet de loi d’orientation des mobilités présenté lundi 26 novembre en conseil des ministres, en plus d’une étude d’impact de la loi. Le marché est allé à un cabinet d’avocats international dénommé Dentons implanté à Paris et qui possède de nombreux clients dans le monde, notamment aux Etats-Unis et en Chine.
La démarche suivie par le gouvernement est inédite. Car « l’exposé des motifs » d’une loi n’est autre que l’argumentaire politique du gouvernement qui la soumet au législateur. C’est une explication de texte visant à faire connaître l’esprit et la finalité d’un texte de façon concise, ainsi que les modifications apportées au droit. Donc un acte de pure politique, qu’aucun gouvernement jusqu’ici ne s’était risqué à sous-traiter.
De telles pratiques s’observent dans les pays anglo-saxons où le recours au privé est admis, au point même que certaines lois ou instructions fiscales, par exemple, s’écrivent avec des cabinets privés. Mais elles restent taboues en France, où même l’externalisation des études d’impact des lois auprès d’autorités administratives indépendantes fait débat. L’Etat perdrait, ce faisant, de son pouvoir, et cela nourrirait le risque de conflits d’intérêts, font valoir les opposants à la sous-traitance.
Originale sur le fond, la décision prise par le gouvernement l’est aussi sur la forme. Car le bureau parisien de Dentons a obtenu le contrat au terme d’un appel d’offres éclair. Lancé le 12 janvier par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer du ministère des transports d’Elisabeth Borne – rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire –, l’appel d’offres s’est clos le 22 janvier, dix jours plus tard.
« Primeur d’informations »
Il a donc échu à Dentons, ainsi que l’a confirmé ce cabinet au Monde. Doté d’une solide réputation internationale avec « 9 000 avocats et professionnels dans 78 pays », Dentons n’est pas inconnu du gouvernement et de l’administration.
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