PÉDOPHILIE- Après l'affaire impliquant le cardinal Philippe Barbarin, qui comparaîtra en septembre à Lyon pour ne pas avoir dénoncé à la justice des agressions pédophiles au sein du diocèse, les affaires de pédophilie au sein de l'Eglise pourraient finir par atteindre le Pape. Selon le journal Le Monde, le Pontife est accusé d'avoir ignoré plusieurs signalements d'actes pédophiles dans deux écoles pour enfants sourds-muets en Argentine (dont le pape François est originaire) et en Italie.
Les avocats représentant les enfants affirment que le Pape François a délibérément ignoré des alertes sur la présence de prêtres accusés de pédophilie en Italie, puis transférés en Argentine dans un institut catholique Provolo de Mendoza, au pied de la cordillère des Andes.
D'après l'avocat Carlos Lombardi, aussi conseiller de la Fédération des survivants des abus sexuels ecclésiastiques, le réseau L'Abuso, une association de victimes de pédophilie, avait fourni, dès 2014 au Vatican, une liste de quinze prêtres qui auraient quitté l'institut Provolo de Vérone (Italie), la maison mère de l'établissement de Mendoza, après avoir été impliqués dans des scandales d'agressions sexuelles.
Le Pape n'était pas au courant? "Impossible"
Parmi les prêtres visés, rapporte Le Monde lundi 19 juin, figure Nicola Corradi, transféré à l'institut Provolo de La Plata en 1984 avant de diriger celui de Mendoza à partir de 1996. Il est aujourd'hui âgé de 82 ans et est assigné à résidence depuis novembre 2016, accusé d'agressions sexuelles contre des pensionnaires de l'institut argentin.
Pour l'avocat Carlos Lombardi il est "'impossible que le pape n'ait pas eu d'informations concernant Nicola Corradi, ou qu'il n'ait pas demandé ses antécédents". Un autre avocat des victimes, Sergio Salinas, s'estime également "convaincu que le pape François ne pouvait ignorer ce qui se passait dans les établissements Provolo", alors qu'il était à cette époque-là archevêque de l'archidiocèse de Buenos Aires depuis 1998.
En 2014, 17 victimes italiennes accusaient l'Église d'entretenir le silence. L'une d'elles a même remis une lettre en main propre au Pontif pour expliquer la situation, mais n'a jamais obtenu de réponse. Selon des dizaines de documents fournis par le réseau L'Abuso, la hiérarchie catholique devait être au courant de ces agissements depuis au moins 2009.
L'enfer dans "la petite maison de Dieu"
Des dizaines d'enfants, filles et garçons, âgés de 5 à 12 ans, aujourd'hui adultes ou adolescents, ont témoigné de l'horreur subie dans ces instituts d'Italie et d'Argentine. "Les témoignages des victimes révèlent viols par sodomie et fellation, flagellations et tortures, pratiqués parfois à plusieurs. Un enfer aggravé par les difficultés, pour les enfants, de se faire comprendre par leurs parents, qui ne connaissent pas forcément la langue des signes", explique Le Monde.
"C'étaient des victimes idéales, dénonce l'un des avocats, Sergio Salinas. Des enfants en bas âge, particulièrement vulnérables, venant de milieux défavorisés. Au moins trois fillettes sont tombées enceintes, sans que l'on sache ce que sont devenus les bébés".
C'est finalement en novembre 2016, lors d'une fête organisée au Provolo pour la Journée internationale des droits de l'enfant, qu'une ancienne pensionnaire âgée de 22 ans s'est exprimée, aidée d'une interprète, accusant entre autres le père Corradi et une religieuse japonaise Kosaka Kumiko, "qui lui mettait des couches pour contenir les hémorragies". Une enquête a par la suite été ouverte et la jeune femme de 22 ans a pu mener les enquêteurs dans un grenier, baptisé "la petite maison de Dieu" où les enfants étaient violés et parfois enchaînés.
La Vatican garde le silence
L'établissement a été fermé en décembre 2016 par le gouvernement provincial. Ont été arrêtés les prêtres Nicola Corradi, Horacio Corbacho (56 ans) et trois employés de l'établissement, Jorge Bordon, assistant des prêtres, José Luis Ojeda, lui aussi sourd-muet, et le jardinier Armando Gomez. Le 5 mai, la religieuse japonaise a également été arrêtée pour complicité.
"Nous n'avions aucune information sur le passé de Nicola Corradi, ni quand il était à La Plata ni quand il était à Vérone", a affirmé au Monde le porte-parole de l'archevêché de Mendoza, Marcelo de Benedictis. "Il n'a reçu aucune dénonciation, aucun commentaire et il n'y avait aucune raison de ne pas faire confiance au supérieur général de l'institut Provolo de Vérone quand il a envoyé Corradi en Argentine".
Contacté par Le Monde, le Vatican n'a pas tenu à répondre a ses sollicitations.
Commenter cet article