Sous l'égide de l'activiste indienne Vandana Shiva, l'Alliance pour la Liberté des Semences a organisé une grande quinzaine d'actions du 2 au 16 octobre 2012. En même temps que se tient, à Hyderabad (Inde), la Convention sur la Diversité Biologique, jusqu'au 19 octobre.
Le 10 octobre 2012, la Fondation France Libertés accueillait l’activiste indienne Vandana Shiva, prix Nobel alternatif 1993, pour l’étape française de sa tournée européenne en faveur de la liberté des semences*. Après avoir présenté le Rapport Mondial Citoyen sur la Liberté des Semences, « Seed Freedom », un rapport élaboré par plus de 100 groupes, réseaux et organisations internationales, Vandana Shiva a invité la France à entrer en désobéissance civile contre l’industrie semencière, « sur les pas de Gandhi » : la marche du sel en 1930 a permis aux paysans indiens menés par le Mahatma de s’opposer à la taxation que voulaient leur imposer les anglais « pour un produit, le sel, qui comme les semences est donné par la nature ! ».
Semences industrielles : une atteinte à la biodiversité
À l’heure de la onzième conférence onusienne de la convention sur la diversité biologique (COP11), l’Alliance pour la Liberté des Semences dénonce l’atteinte à la biodiversité que représentent les semences industrielles. Car leur monopole met en péril la diversité génétique, indispensable au maintien de la biodiversité. Toute variété de semence inscrite dans un catalogue officiel doit répondre au critère « D.H .S » : elle doit être Distincte, Homogène et Stable. « Les semenciers font passer ce critère comme un critère scientifique » explique Vandana Shiva. « Or, il ne l’est pas. L’idée de stabilité par exemple concerne peut-être les machines , mais ce qui caractérise le vivant, c’est son adaptabilité ! ». Des semences « stables » ne présentent pas de variabilité génétique, donc pas de facultés d’adaptation à l’environnement. Ce qui constitue en soi une menace pour la biodiversité.
…et aux droits des agriculteurs
Chacun sait que toute semence porte en elle le germe d’une plante, elle-même source de graines, et dont une partie peut être replantée. «Comment les industriels peuvent-ils continuer à vendre des semences aux agriculteurs si ces derniers peuvent les produire eux-mêmes? » En leur interdisant de semer librement ce qu’ils récoltent ou ce qu’ils échangent ! questionne et répond Vandana Shiva. Ce qu’ils ont fait durant des millénaires. Aujourd’hui, preuve manifeste de l’atteinte faite à ce droit, « au moins 90% des semences cultivées dans le monde sont des semences industrielles ». L’activiste dénonce aussi les faux arguments donnés par l’industrie semencière pour justifier les OGM : «les recherches dans le domaine n’ont pas pour but de résoudre le problème de la faim dans le monde ! » mais de « légitimer, au nom des lois imposées par l’OMC, le droit de déposer des brevets » et ainsi, toujours et encore, d’« obliger les agriculteurs à acheter des semences chaque année ». « Depuis plus de 25 ans, je consacre ma vie à la libération de ce type d’esclavage », confie-t-elle. Et de rappeler que l’Inde, avec l’Afrique, ont déposé en 1999 une demande de révision de l’article 27 des accords ADPIC (Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce) de l’OMC qui mondialisent depuis 1995 les règles de brevetabilité du vivant. Une demande de révision qui est toujours restée sans réponse.
La quinzaine des semences en France
« Le cas de Kokopelli montre comment l’industrie semencière a criminalisé la liberté de semer afin d’asseoir son monopole… » rappelle l’activiste. Les associations françaises présentes (Kokopelli, Graines de troc, Femmes semencières et Réseau Semences Paysannes »… ) étaient d’ailleurs peu après invitées à réfléchir avec elle à des modalités concrètes d’action : jardins partagés, ateliers dans les écoles, échanges et constitution de banques de semences… autant de moyens de « libérer les semences ».
Association Kokopelli - Semences anciennes
Pour autant, toute action, sans l’appui ou le relais des politiques, risque d’être vouée à l’échec. En France, l’interdiction actuelle de la culture des OGM est certes venue répondre aux mobilisations citoyennes. Mais, comme l’a rappelé Guy Kastler, du Réseau Semences Paysannes : « Voici un an, en France, une loi a été imposée par l’ancienne majorité pour interdire aux paysans de ressemer une partie de leurs récoltes » (..) « La nouvelle majorité s’est engagée à abroger cette loi. Nous attendons. » Quant à l’Europe, où les subventions des agriculteurs restent conditionnées à la toute-puissante PAC, elle a, comme l’a rappelé Guy Kastler « toujours été un laboratoire des lois de l’industrie semencière ». Il a ainsi invité les députés européens à se mobiliser d’urgence « contre l’interdiction programmée d’échanger ou de diffuser toutes les semences qui concernent l’agriculture vivrière sans passer par le système légal ».
*Etaient aussi présents à ses côtés le collectif pour une alternative à la biopiraterie, l’association Kokopelli, le réseau Semences paysannes ainsi que trois élus EELV (Europe écologie les verts) : Jacques Boutault, maire du 2ème arrondissement, Catherine Grèze, député européenne et la sénatrice Marie-Christine Blandin. source
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