Quelles suites l'étude commandée par le Parlement européen sur la gestation pour autrui (GPA) va-t-elle avoir? Sollicités par la commission des Affaires juridiques, une quinzaine d'experts français et étrangers ont dressé un état des lieux, dans les différents pays européens, de cette pratique «en plein essor». Leur travail sera présenté lundi après-midi aux députés européens.
Huit pays sur les 28 que compte l'Union européenne autorisent ou tolèrent le recours à des mères porteuses. En France, la GPA demeure interdite. Même chez les Verts, parti où l'on trouve le plus de parlementaires favorables, «nous sommes très divisés sur cette question», indique l'eurodéputée EELV Michèle Rivasi. «Pourquoi le droit à l'enfant serait-il obligatoire?, s'interroge-t-elle. C'est très dur pour l'enfant ; il va chercher toute sa vie quel est le ventre qui lui a donné naissance…»
Pour les couples d'hommes, la priorité immédiate n'est pas la légalisation de la GPA, mais la reconnaissance des situations familiales parfois «ubuesques», selon l'Association des familles homoparentales (ADFH), créées par cette pratique. «Ce rapport indique qu'un large consensus des pays européens a pointé la nécessité d'accorder aux enfants nés par GPA une filiation reconnue dans le pays de résidence de la famille d'intention, ainsi qu'un statut civil, relève Alexandre Urwicz, président de l'ADFH. Nous réclamons le respect des traités européens, de la Convention internationale des droits de l'enfant pour que ces enfants puissent obtenir la transcription en droit français de leur acte de naissance étranger.»
Application aléatoire
Depuis janvier dernier, une circulaire initiée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, invite les tribunaux à ne plus refuser la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés de mères porteuses à l'étranger. «Sur le terrain, son application reste toutefois aléatoire», constate l'ADFH. Cette circulaire fait d'ailleurs l'objet de recours, devant le Conseil d'État, par l'Association des juristes pour l'enfance. «Il s'agit d'un ordre aux officiers d'état civil de violer la loi!, s'offusque l'association. Alors que des individus violent délibérément l'ordre public français, il est à craindre que des régularisations massives soient une forme d'encouragement à une possible législation. Les décisions à venir auront donc toute leur importance.»
Au Parlement européen, personne ne s'avance encore. «Nous ne savons pas quelle est l'intention des députés européens, explique Laurence Brunet, chercheuse à l'université de Paris-I, qui a coordonné le travail. On nous a demandé de ratisser toutes les décisions judiciaires connues dans les différents pays et tout ce qui pouvait exister en matière de normes. Nous devions également faire des propositions sur les possibilités de légiférer au niveau européen.»
Pour l'avocat Geoffroy de Vries, qui a conseillé les parlementaires UMP durant le débat sur le mariage homosexuel, «s'il faut relativiser la portée juridique de cette étude qui n'est qu'informative, il faut s'inquiéter de son effet politique».«La GPA ne fait pas partie du cœur de compétence du Parlement européen, poursuit-il. Cependant, il pourrait à terme se saisir de la question, parce qu'est concerné le principe communautaire de la libre circulation des personnes (à savoir les enfants issus de GPA): il pourrait alors tenter de légiférer pour protéger l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment en cas de déplacement de ces familles. Si la France est opposée à la GPA, comme l'a signifié François Hollande, il faut aller au bout de la logique. Et prévoir une convention internationale interdisant la GPA, à l'instar de la Convention d'Oviedo du 4 avril 1997, qui a interdit le clonage humain.»
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