Le 6 février dernier, la Commission européenne a publié et largement fait connaître un mémorandum proposant de nouvelles cibles de réductions d’émissions de CO2 à l’échéance 2040, complétant l’agenda « Fit For 55 » qui fixait des objectifs pour 2030, selon une trajectoire supposée nous amener au mythique « Net Zéro » en 2050.
Dans un contexte de révoltes agricoles motivées par les excès de ses préconisations environnementales, le moment est-il bien choisi ?
L’IREF, dans un rapport publié fin 2022, a montré que les ambitions affichées pour 2030, réduire les émissions de CO2 de 55% par rapport à celles de 1990, sont irréalistes. Il faudrait soit un miracle technologique capable de tripler la vitesse de décarbonation de notre économie, soit, si notre trajectoire technologique reste la même, une décroissance du PIB de plus de 20% pendant la décennie 2020-30.
En effet, les émissions de CO2 sont le produit de l’intensité carbone du PIB (quantité de CO2 qu’il faut émettre pour créer 1 euro de richesses) par le PIB (relation connue sous le nom d’égalité de Kaya). Si nous voulons réduire nos émissions plus vite que nous ne sommes technologiquement et économiquement capables de décarboner notre économie, alors nous devons forcer la décroissance.
Les objectifs de la Commission exposés dans le mémorandum pour l’année 2040 sont encore plus délirants que ceux de 2030. Il s’agit de réduire les émissions « nettes » de 90% par rapport à celles de 1990, selon le processus suivant :
- réduction des émissions brutes à 850 Mt de CO2/an. Comme elles étaient d’environ 3,9 Gt en 1990, il faudrait donc les restreindre de près de 80% ;
- les 10% restants seraient obtenus par « séquestration additionnelle du CO2 » de 400 Mt.
Le second point suppose de disposer des technologies adéquates. Or elles n’existent encore que sur le papier, ou à l’état de prototype, et rien ne laisse entrevoir que des solutions économiquement acceptables pourront être déployées à grande échelle prochainement.
Le premier point soulève un problème encore plus épineux : les émissions brutes étant actuellement de d’environ 2,76 Gt (chiffre 2022), elles devraient baisser d’environ 70% en 17 ans, soit 6,8% par an, en commençant dès aujourd’hui. Or, actuellement, l’UE réduit ses émissions de 1% par an, et l’intensité carbone de son PIB, d’environ 2,5%.
L’application de l’égalité de Kaya montre que, sous des hypothèses réalistes de décarbonation de notre économie, réduire de 70% nos émissions en 17 ans suppose une diminution de notre PIB comprise entre 40% et 60%. Qui croira qu’une telle décroissance puisse être obtenue de façon volontaire ?
La Commission a également diffusé une estimation du coût de cet agenda : 1500 milliards d’euros annuels à partir de 2030, pas moins de 10% du PIB actuel de l’UE ! Des chiffres extravagants, dont les décideurs ne peuvent ignorer l’absurdité.
Les intentions réelles d’une telle proposition sont ailleurs : l’UE a accompagné l’agenda « Fit for 55 » de nombreuses directives imposant aux Etats membres de lourdes adaptations. Citons de façon non exhaustive :
- abandon des véhicules thermiques ;
- pressions sur l’agriculture pour interdire certaines pratiques, réduire à marche forcée l’emploi de pesticides ou faire fermer de force des élevages ;
- obligations d’isolation de bâtiments hors de toute notion de rentabilité ;
- réduction des quotas carbone distribués aux grandes et moyennes industries, dans le cadre du marché ETS (Emission Trading Schemes) portant la contrainte sur les entreprises concernées à plus de 750 Mds €, provoquant des fermetures industrielles massives, notamment en Allemagne ;
- imposition d’objectifs européens de « non-artificialisation des sols » visant à préserver les puits de carbone naturels[1].
Il est à craindre que l’objectif « – 90% en 2040 » ne serve de prétexte à adopter de nouvelles mesures augmentant les contraintes sur les entreprises agricoles ou industrielles, et que certaines idées liberticides souvent discutées (limitation des voyages en avion, passeport carbone…) ne puisent dans cet agenda renforcé une source de légitimité législative.
Il faut donc impérativement empêcher que ce mémoire de la Commission ne devienne le « roadmap » officiel de l’UE. Les élections à venir doivent à tout prix mettre ce sujet sur la table, pour que les coups de semonce envoyés par les agriculteurs européens contre le délire écologiquement correct actuel ne restent pas sans lendemain.
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