Décidément, Macron et la macronie font une fixette sur la réintégration des soignants suspendus, mesure décidée dans tous les pays européens sauf la Grèce et la France. Il faut absolument lire le palpitant récit du débat parlementaire par le site officiel de l’Assemblée sur cette réintégration pour comprendre la radicalité du parti présidentiel dans une affaire qui tourne au vinaigre.
Dans la pratique, l’Assemblée disposait de quelques heures seulement pour adopter un texte présenté dans le cadre de la “niche”, c’est-à-dire de la journée de débat accordée à la position pour présenter des textes. Cette niche se clôturait à minuit. Inventée par Nicolas Sarkozy, insérée dans le corpus juridique en 2008, la niche était supposée redonner du pouvoir à l’opposition en laissant les groupes parlementaires fixer leur ordre du jour. Tactiquement, LFI avait privilégié deux textes susceptibles d’être adoptés, écartant les autres (dont la revalorisation du SMIC et l’interdiction de la corrida).
Après avoir remporté un véritable succès sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, LFI pouvait espérer une deuxième réussite sur la réintégration des soignants suspendus : l’amendement de suppression déposé par le gouvernement a été battu dès le premier vote, laissant augurer une adoption finale du texte, grâce au concours du RN et des Républicains. On soulignera ici le consensus dont le texte a bénéficié en dehors de la majorité relative macroniste.
Le gouvernement fait le forcing pour empêcher la discussion
Face au risque de défaite en rase campagne, le gouvernement a mené une stratégie d’obstruction, cherchant par tous les moyens à gagner du temps pour empêcher un vote avant minuit. Du coup, les ministres se sont succédé pour occuper le crachoir le plus longtemps possible : la sous-ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo, puis François Braun, puis Olivier Véran. Le groupe Renaissance a déposé des dizaines d’amendements.
La tension est montée, et le député Olivier Serva (élu LREM en 2017, et passé depuis au centre droit) a même commis une intervention qui restera légendaire sur le sujet, en demandant à l’un de ses collègues de la “fermer”.
Dans la pratique, l’opération du gouvernement a réussi : à minuit, la discussion n’était pas close, et le texte n’était pas adopté, alors que même qu’il bénéficiait d’une majorité parlementaire. La méthode du gouvernement a porté, à très court terme, ses fruits. Mais elle devrait être très coûteuse politiquement à long terme.
Une représentante du syndicat Liberté et Santé nous faisait part hier de son optimisme sur la réintégration des soignants. On ne s’avance pas trop en disant que cet optimisme était un peu excessif.
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