Dans une lettre au vitriol adressée jeudi au ministre de la Santé, les sénatrices LR Sylviane Noël et Laurence Muller-Bronn fustigent "l'obstination coupable" du gouvernement qui se refuse à réintégrer les soignants suspendus alors que l'hôpital est à "l'agonie".
La réintégration des personnels de santé non vaccinés a fait l’objet d’un débat houleux en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale mercredi 16 novembre. Pour l'exécutif, qui maintient l’obligation vaccinale des soignants contre la Covid-19, c’est toujours niet, comme l'a rappelé jeudi sur France 2 l'ex-ministre de la Santé et porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Une position inébranlable qui a provoqué la colère de Sylviane Noël, sénatrice de la Haute-Savoie, et de Laurence Muller-Bronn, sénatrice du Bas-Rhin.
Dans un courrier “cosigné par de nombreux collègues sénateurs de tous bords” adressé au ministre de la Santé, François Braun, partagé sur les comptes Twitter de Sylviane Noël et Laurence Muller-Bronn, les deux femmes LR relèvent des “incompréhensions” quant au maintien de cette décision et des “incohérences” des arguments de la tutelle. Les sénateurs mettent en garde contre “l’agonie” du système de santé et appellent à “trouver une sortie de crise”.
Dans cette lettre datée du jeudi 17 novembre 2022, les deux sénatrices font d’abord la comparaison avec des pays comme l’Italie ou la Grèce, qui procèdent à la levée de l’obligation vaccinale du personnel soignant. Des "pays dirigés par des inconscients ? Non ! Y remarque-t-on une hausse de la mortalité ? Non ! Des contaminations ? Non !", martèlent les deux sénatrices.
Sylviane Noël et Laurence Muller-Bronn soulèvent ensuite un nombre de contradictions, ou "d’incohérences" pour se référer à leur courrier. Elles rappellent, premièrement, que les rappels de vaccinations contre la Covid-19 ne sont plus obligatoires pour le personnel en exercice. Les soignants vaccinés depuis plus de 6 mois sont ainsi "médicalement parlant dans une situation identique à un soignant qui ne s’est jamais fait vacciner", puisque "l’efficacité du vaccin s’atténue avec le temps".
Les deux sénatrices reviennent ensuite sur le cas de personnels vaccinés, mais atteints de la Covid-19 qui ont été rappelés dans les établissements de santé : une "incohérence" lorsque l’on sait que la "vaccination n’empêche ni la transmission ni la contamination".
Pour les deux politiciennes et les co-signataires du courrier, ces incohérences "seraient risibles si la situation n’était pas si grave". "Pendant ce temps, c’est tout notre système de santé qui s’écroule sous nos yeux : des services de pédiatrie à l’agonie, des EHPAD qui gèlent des lits, des hôpitaux contraints de fermer leurs urgences ou de déprogrammer des opérations, des patients qui meurent dans les couloirs faute de prise en charge ...", alertent-elles.
Des mesures "punitives" et "humiliantes"
Les autrices de ce courrier s’interrogent : "Comment peut-on encore tolérer de se passer du moindre soignant face à cette situation insupportable ?". Tout en dénonçant "l’obstination coupable" du gouvernement, les deux sénatrices rejettent le chiffre de 15 000 soignants et professionnels de santé suspendu, avancé par le ministère de la Santé.
"Les personnels concernés par cette mesure sont bien plus importants que vous ne le prétendez : à côté des personnels suspendus, combien de libéraux interdits d’exercice, non comptabilisés parmi les "suspendus" ? Combien de demandes de mise en disponibilité ou de démission de la fonction publique suite à cette mesure non comptabilisées parmi les "suspendus" ? Combien d’étudiants en médecine empêchés de poursuivre leurs études ?", lit-on encore.
Le document, qui cite également les personnels interdits d’exercer en téléconsultation et même de trouver un remplaçant durant leur suspension, qualifie ces mesures de "punitives" et "d’humiliantes" et non pas de "sanitaires".
“Un système de santé à l’agonie“
Les deux sénatrices regrettent que "des milliers de héros du quotidien" fassent "cruellement défaut" au système de santé français, "à l’agonie". "Des milliers de professionnels qui se retrouvent depuis un an sans revenus, sans statut, privés de tout leur droit (…) Contrairement à votre affirmation, Monsieur le Ministre, nombre de soignants en exercice réclament le retour des personnels suspendus face à cette pénurie sans précédent", poursuivent-elles.
Sylviane Noël, Laurence Muller-Bronn, ainsi que les co-signataires de ce courrier, demandent "très solennellement de réintégrer l’ensemble de ces personnels afin de limiter, avant qu’il ne soit trop tard, cette casse inédite de notre système de santé et l’aggravation de nos déserts médicaux".
"Si vous décidez de persister dans votre erreur, il conviendra d’en assumer toutes les conséquences en trouvant une issue à cette situation qui n’est humainement plus tenable et qui n’a que trop duré", mettent en garde les sénateurs. Ils appellent ainsi à "trouver une sortie de crise", en proposant comme exemple un licenciement qui "leur permet de reconsidérer leur vie professionnelle dignement", citant le cas des personnels suspendus de Guadeloupe qui bénéficieront d’un plan de départ exceptionnel.
Mercredi, des députés La France insoumise (LFI) ont déposé une proposition de loi pour réintégrer les personnels suspendus en contrepartie d'“un protocole sanitaire renforcé” dans l'attente de l'étape obligatoire d'un avis favorable de la Haute Autorité de santé sur la levée de l'obligation vaccinale en milieu médico-hospitalier, en vertu de la loi du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie liée à la Covid-19.
Lors de l’entrée en vigueur de cette suspension, cela fait plus d’un an, le ministère de la Santé estimait que 15 000 soignants et autres professionnels concernés (personnel paramédical, employés administratifs d’hôpitaux, etc.) étaient non vaccinés et de ce fait suspendus.
Interrogé jeudi matin sur France 2, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a ainsi affirmé que “ça ne changerait rien au schmilblick" et aux difficultés que subissent les établissements de santé. Il a également fait savoir que "les soignants ne sont pas férus de l’idée" et fait valoir que la Haute Autorité de santé (HAS) avait recommandé, il y a quelques mois, le maintien de cette obligation vaccinale.
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