Par Alan Pukhaev – Le 13 juin 2022 – EurAsia Daily (En russe)
Ce n’est pratiquement plus un secret pour personne [en Russie, mais pas dans le monde occidental, NdT] que le grand jeu entamé par l’Occident dans le cadre de la confrontation géopolitique en cours poursuit des objectifs mondiaux. Le sort de l’ordre mondial est en jeu. Mais l’Occident, qui défend son hégémonie à sa manière habituelle, tente d’agir par procuration, en créant des problèmes dans le périmètre de ses ennemis géopolitiques – la Russie et la Chine.
L’Asie de l’Est et du Sud
De l’extérieur, cela semble plutôt déroutant, mais pas pour ceux qui ont mis au point les ingénieux stratagèmes utilisés aujourd’hui.
Aujourd’hui, le principal front apparent de la lutte géopolitique est l’Ukraine, où la Russie mène une opération militaire spéciale, et où l’Occident collectif investit d’énormes ressources financières. Dans cette situation, il peut sembler que la Russie agisse seule et que la Chine adopte une attitude attentiste.
Cependant, selon le célèbre sinologue Nikolay Vavilov, ce n’est pas du tout le cas. La Chine agit de son côté. De plus, elle remplit activement et consciencieusement la partie des tâches qui lui sont assignées.
L’aggravation de la situation dans le détroit de Taïwan peut en être la preuve. Malgré le mécontentement des États-Unis, les avions de l’armée de l’air chinoise volent de plus en plus fréquemment dans la zone insulaire, ce qui énerve l’administration taïwanaise et irrite les États-Unis. Cela ne permet pas à Washington de se concentrer pleinement sur l’Ukraine, ce qui constitue une aide évidente pour la Russie.
Dans le même temps, on peut noter qu’aujourd’hui, sur tout le périmètre de la frontière chinoise, se déroule la phase chaude de la guerre froide déclenchée par les États-Unis contre la Chine.
« Imran Khan s’est rendu en avion à l’ouverture des Jeux olympiques à Pékin. Après cela, il s’est rendu à Moscou. En réponse, les États-Unis ont initié le renversement d’Imran Khan, portant au pouvoir l’opposition pro-américaine. Et maintenant, une guerre civile éclate au Pakistan », a écrit Nikolay Vavilov sur son canal Telegram. « Le Pakistan est l’allié le plus important de la Chine. La route qui va de l’ouest de la Chine au golfe Persique en passant par le Pakistan est une route stratégique d’approvisionnement en hydrocarbures. En gros, c’est un territoire limitrophe de la Chine qui a été frappé. »
Le sinologue attire l’attention sur le fait que, tout récemment, le régime pro-chinois de l’État du Sri Lanka a été balayé, avec le soutien des États-Unis. Une crise gouvernementale se prépare au Népal, qui a une frontière directe avec la Chine.
« Une lutte active pour la présidence a également eu lieu aux Philippines », poursuit l’expert. « Le gagnant est un homme politique associé aux monopoles chinois. Mais le département militaire philippin poursuit sa propre politique pro-américaine. Récemment, le chef du Pentagone, Lloyd Austin, s’y est rendu. Au cours de sa visite, un accord-cadre sur la sécurité maritime a été signé entre les Philippines et les États-Unis. En outre, les États-Unis tentent d’attirer le Vietnam dans la coalition anti-chinoise, en profitant du fait qu’il a des différends territoriaux avec la Chine. »
Il rappelle que Biden a visité la Corée du Sud et le Japon en mai. Ce sont les plus proches alliés des États-Unis. Et de nombreux analystes pensent que lors de sa visite, une proposition a été faite pour étendre la coopération militaire de Washington avec Séoul et Tokyo, avec la possibilité de transformer le Japon en une puissance nucléaire et de déployer des armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Corée du Sud.
« Nous constatons que Biden ne s’envole pas vers l’Ukraine, mais vers l’Asie orientale », poursuit Vavilov. « Rencontrer les dirigeants des pays d’Asie du Sud-Est, concentrer les efforts dans cette région ».
Le sinologue souligne que, presque au même moment, il y a eu une tentative de coup d’État dans les îles Salomon, où la Chine a bien aidé le gouvernement à rester au pouvoir en signant un accord bilatéral de sécurité. En outre, selon les médias américains, la Chine a l’intention de signer des accords similaires avec Kiribati et Vanuatu. C’est ainsi, selon l’expert, que Pékin répond aux actions de Washington ; en créant une ceinture de sécurité dans l’océan Pacifique.
En outre, il convient de prêter attention aux intentions de l’OTAN d’accorder l’adhésion à des pays d’Asie de l’Est. De toute évidence, il s’agit uniquement d’une mesure anti-chinoise.
L’Asie centrale
Pour confirmer l’opinion de l’expert, nous pouvons également rappeler la situation dans la région autonome de Gorno-Badakhshan au Tadjikistan, qui est également directement frontalière avec la Chine. Rappelons que les 17 et 18 mai de cette année, les forces de sécurité tadjikes y ont mené une opération anti-terroriste contre des bandes armées organisées.
Le ministère de l’Intérieur de la République a officiellement déclaré que les actions des militants étaient coordonnées depuis l’étranger par des extrémistes recherchés par l’État, dont la principale figure est le chef de l’Alliance nationale et du Parti de la Renaissance islamique (interdit au Tadjikistan), Muhiddin Kabiri.
Également frontalier avec la Chine, le Kirghizistan a reçu le mois dernier la visite du représentant britannique Richard Chalk (Richard Edward Oliver Chalk. Depuis 2011, il dirigeait l’unité spéciale britannique RICU-Research, Information and Communication, un service secret qui fait partie de l’Office for Security and Counter-Terrorism du Home Office britannique. Il dirige désormais l’ONG britannique REOC Communications. EurAsia Daily). Selon des sources kirghizes, le principal objectif de sa visite était de convaincre les autorités kirghizes de commencer à accepter des réfugiés afghans.
Bien entendu, on ne peut ignorer les événements de janvier au Kazakhstan, qui ont amené le pays au bord de la guerre civile.
Ainsi, comme l’a noté Nikolay Vavilov, la déstabilisation s’opère sur tout le périmètre de la frontière chinoise, à l’exception de la Mongolie. Les maillons les plus faibles, selon lui, sont le Pakistan, le Kazakhstan et le Myanmar. On ne peut donc pas dire que la Chine reste à l’écart. Elle mène, elle aussi, une guerre froide contre les États-Unis.
« Une autre chose est que cette guerre est toujours menée via des mandataires, via des forces politiques alliées, mais elle n’en est pas moins féroce », poursuit Nikolay Vavilov. « Des régimes entiers sont démolis, des gouvernements sont remplacés, et les préparatifs sont en cours pour un conflit à grande échelle. »
Au vu de ce qui précède, il y a des raisons de penser que les principales batailles du conflit mondial actuel se dérouleront dans la région Asie-Pacifique. L’Ukraine n’étant qu’une manœuvre pour distraire la Russie.
Alan Pukhaev
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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