Si une quinzaine d’Etats membres ont décidé de reconnaître Juan Guaido comme président par intérim, d’autres s’y sont refusés, gênés par cette forme d’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays tiers. L’Italie a bloqué une déclaration commune à ce propos
L’Union européenne (UE) n’aura pas de texte commun sur le Venezuela et son président par intérim autoproclamé, Juan Guaido. Ainsi l’ont décidé lundi plusieurs Etats membres de l’UE et tout particulièrement l’Italie, qui a refusé jusqu’au dernier moment qu’une déclaration politique ne soit scellée sur le sujet.
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Selon ses promoteurs, cette déclaration n’avait pas de grandes prétentions, ni la vocation de reconnaître officiellement Juan Guaido: il s’agissait «seulement» pour l’UE de rappeler qu’elle avait lancé jeudi dernier à Bucarest un groupe de contact formé de plusieurs pays et censé favoriser d’ici à quatre-vingt-dix jours de nouvelles élections libres et transparentes – les élections de mai dernier ayant porté Nicolas Maduro au pouvoir étant jugées illégitimes. Ce texte aurait aussi mentionné le fait que la reconnaissance du président de l’Assemblée nationale reste une compétence des Etats membres et que, dans ce contexte, plusieurs d’entre eux ont décidé d’agir.
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La règle de l'unanimité
Un «simple cadre», selon les mots d’une source diplomatique, qui permettait de rappeler la position de l’UE, elle qui a aussi décrété ces derniers mois des sanctions ciblées contre le régime de Nicolas Maduro. Mais lundi, à l’expiration de l’ultimatum lancé au pouvoir vénézuélien par certains d’entre eux, ils n’étaient qu’une quinzaine d’Etats membres à avoir officialisé leur soutien à Juan Guaido et la reconnaissance de fait de son titre de président par intérim le temps d’organiser un nouveau scrutin.
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Ce groupe de pays, dont font partie l’Espagne, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, l’Autriche et l’Allemagne, a aussi envisagé une déclaration valable pour lui seul. Dans la journée, ces Etats membres n’avaient en effet procédé que par tweets ou par communiqués, donnant une certaine impression d’improvisation.
L’UE s’est-elle fracturée sur la question vénézuélienne? L’entourage du chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, le nie. La position de l’UE est très claire, assure-t-on: les élections de mai dernier ne sont pas reconnues et il faut maintenant aller vers un nouveau processus électoral et, sur ces points précis, il n’y a pas de divergence. Pourtant, cela fait déjà quelques jours que ce texte commun des Vingt-Huit est dans les pipelines et il s’est heurté dès le début aux mêmes blocages: l’Italie mais aussi la Grèce ou même la Hongrie ont traîné des pieds dès jeudi dernier à Bucarest, Rome prenant les devants pour empêcher toute déclaration commune, comme le lui permet la règle de l’unanimité en matière de politique étrangère.
L'Italie, «cavalier seul»
C’est Rome qui a dégainé. Une attitude qui s’explique à la fois par les affinités du Mouvement 5 étoiles avec le régime vénézuélien et une position traditionnelle qui consiste à «refuser» toute ingérence dans les affaires nationales. Un refus d’ingérence qui ne serait pas seulement le fait de l’Italie. D’autres pays auraient aussi du mal, tout simplement, à reconnaître quelqu’un qui n’a pas été élu.
Mais venant d’un gouvernement italien qui a déjà posé quelques casse-têtes à Bruxelles, le geste ne passe pas inaperçu. A la Fondation Robert Schuman à Bruxelles, où l’on observe l’évolution de l’UE, on s’interroge de plus en plus sur ce «cavalier seul» italien, comme le dit son responsable, Eric Maurice, et sur cette tendance à s’affranchir régulièrement du cadre européen commun, ne serait-ce que récemment sur les règles budgétaires.
Des divisions courantes
Les divisions européennes en matière de politique étrangère restent tristement banales cependant. Les tensions idéologiques comme les intérêts particuliers ont toujours pesé, comme l’a montré en son temps la reconnaissance officielle, au compte-goutte, du Conseil national syrien face au président Bachar el-Assad.
La Hongrie a eu besoin de plusieurs jours pour s’affranchir de la ligne choisie par Moscou. Et il a fallu attendre ce lundi pour que le premier ministre, Viktor Orban, juge acceptable la position de l’Espagne, en première ligne dans le combat contre Maduro. En Grèce, la proximité idéologique de Syriza avec le chavisme explique le malaise du gouvernement. Quant à la France, observe Eric Maurice, elle utilise aussi l’épouvantail vénézuélien à des fins intérieures, le Venezuela étant utilisé par les «pro- et les anti-Mélenchon».
Une division et des intérêts particuliers que la fondation estime regrettables au final puisque l’UE risque d’être le seul grand acteur international sans position claire sur le sujet, alors qu’elle affiche l’ambition de jouer les médiatrices.
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