Alors que le mouvement se mobilise pour un septième samedi d’affilée, il a déjà chamboulé la campagne des européennes…
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Le patron des communistes, Fabien Roussel, puis celui des Patriotes, Florian Philippot, ont annoncé vouloir présenter une liste avec des « gilets jaunes » pour l’élection européenne du 26 mai 2019.
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Entre récupération politique et écoute de la colère des Français, les partis sont déstabilisés par le mouvement qui s’inscrit dans la durée, alors que l’élection aura lieu dans six mois.
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Au sein du mouvement, l’idée de constituer sa propre liste pour les européennes séduit certains mais irrite d’autres « gilets jaunes » qui refusent de se lancer dans une arène politique qu’ils dénoncent.
Gilets Jaunes: la " contagion " a atteint 22 pays dans le Monde !! - MOINS de BIENS PLUS de LIENS
Le silence médiatique est assourdissant, il ne faudrait pas motiver encore plus qu'ils ne le sont déjà, les gilets jaunes de France. Merci Sonetlumière. Faites circuler, partagez ! Volti ...
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En plein automne, le mouvement des « gilets jaunes » a pris tout le monde court. Il s’est inscrit dans la durée, et, à six mois des élections européennes, il fait désormais partie du paysage de la campagne. Les partis en parlent et ajustent leur programme pour prendre en compte cette colère exprimée par de très nombreux Français.
Certaines formations veulent même inclure des « gilets jaunes » sur leur liste, tandis qu’une partie du mouvement rêve de présenter sa propre liste, ce qui pourrait redistribuer les voix des électeurs le 26 mai prochain. Alors que le mouvement se mobilise pour un septième samedi d'affilée, il a déjà chamboulé le scrutin.
Des gagnants et des perdants parmi les politiques ?
« Difficile de dire si une force politique bénéficie pour le moment, de façon claire et nette du mouvement », estime le politologue Bruno Cautrès. « On sait qu’il y a un très grand perdant, Emmanuel Macron, mais chez la France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Républicains (LR), ou le Rassemblement national (RN, ex-Front national), on ne voit pas clairement de gain ».
Si Marine Le Pen a vu sa cote de popularité grimper en décembre, le directeur de recherche au CNRS rappelle que « les intentions de vote placent le RN en tête du scrutin depuis bien avant la crise des "gilets jaunes" ». « Cette crise peut consolider le RN ».
En revanche, le parti au pouvoir est affaibli. « Si on combine un pouvoir exécutif impopulaire, une situation économique pas très bonne, une élection qui favorise traditionnellement le vote sanction et la crise des "gilets jaunes", cela rend assez improbable le scénario d’une victoire de la liste La République en marche (LREM) et Mouvement Démocrate (MoDem) », avance Bruno Cautrès.
Des « gilets jaunes » sur des listes de partis ?
Après les communistes mercredi, ce sont les Patriotes (LP) de Florian Philippot qui ont annoncé jeudi leur volonté d’inclure des « gilets jaunes » dans leur liste. Le président du jeune parti veut conduire une « liste hybride, mi-Patriotes mi-"gilets jaunes" » et a déposé la marque « Les Gilets jaunes » à l’Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), a-t-il indiqué à L’Opinion.
Mercredi, c’est le patron des communistes Fabien Roussel qui a plaidé pour une « liste ouverte » à des « "gilets jaunes", des blouses blanches, des robes noires, des cols-bleus », « soutenue par le PCF et peut-être d’autres ».
Pour ces formations politiques, il y a « un double contexte », souligne Bruno Cautrès. « Le scrutin des européennes, avec liste nationale et proportionnelle, peut favoriser les petites formations politiques ». Espèrent-elles davantage tirer leur épingle du jeu en récupérant le mouvement ? « Il y a évidemment de la récupération politique, mais si elles ne le faisaient pas, on dirait qu’elles sont hermétiques à la colère des Français ».
Pour Arthur Renault, doctorant en sciences politiques à l’université de Rennes 1 et spécialiste de la politique et du numérique, « il y a dans ces démarches une part d’affichage, de marketing politique, qui repose sur la rhétorique classique : "on vous entend, on ouvre la liste". Déposer la marque comme l’a fait Florian Philippot montre une volonté d’attirer l’attention médiatique, de contrôler le mouvement, mais aussi de troller, en coupant l’herbe sous le pied au RN », analyse-t-il au sujet du jeune parti, qui joue sa survie aux européennes. En outre, « il y a une logique car des certaines revendications des "gilets jaunes" correspondent aux programmes du RN, des Patriotes ou de DLF ».
Une liste « gilets jaunes » pourrait-elle voir le jour ? (et est-ce que cela arrangerait LREM ?)
Faut-il que les « gilets jaunes » présentent leur propre liste aux européennes ? L’idée séduit certains membres du mouvement, comme Jean-François Barnaba, et le romancier Alexandre Jardin, qui s’est lancé il y a quelques années en politique, veut même en être le parrain. Le chanteur Francis Lalanne veut également présenter une liste avec des membres du mouvement. Mais d’autres « gilets jaunes » craignent qu’une telle liste favorise indirectement LREM.
« Y aura-t-il une ou plusieurs listes de "gilets jaunes" ? » Pour Arthur Renault, la question est légitime, « parce que le mouvement est très protéiforme, et qu’au moment de nommer des portes-paroles, il a déjà connu quelques remous, sur la question de la légitimité de certains à porter la voix du collectif ». Pour se présenter, il faut constituer une liste de 79 personnes majeures, comptant au moins 39 femmes, et l’enregistrer avant le 2 mai 2019. « Cela nécessite un gros travail de coordination et la construction d’un programme », complète le chercheur.
C’est sur le programme que la liste pourrait rencontrer des difficultés. « Est-ce que tous les "gilets jaunes" se retrouveraient dans cette liste ? », s’interroge Bruno Cautrès. « Ce mouvement a-t-il une position homogène sur les questions européennes, qui ont une formidable capacité à faire exploser les familles politiques ? » Une fois ces obstacles franchis, une ou des listes « gilets jaunes » pourraient « prendre des votes à toutes les formations qui ont un discours critique sur l’Union européenne », envisage le politologue. Et provoquer un éparpillement des voix de l’électorat eurocritique ou eurosceptique, ce qui avantagerait la liste europhile de la majorité ? « Ce n’est pas sûr », prévient prudemment Bruno Cautrès. « Cela pourrait peut-être éviter à LREM de finir troisième du scrutin. Mais la présence d’une telle liste donnerait une tonalité très anti-Macron à la campagne, ce qui ne serait pas une si bonne affaire pour la majorité, qui aura la tâche de reconstruire l’image du président ».
En revanche, Arthur Renault, estime qu’une liste « gilets jaunes » « siphonnerait des voix du PCF, de LFI, du RN, de DLF et des Patriotes, c’est pour cela qu’ils veulent avoir un "label gilets jaunes" sur leur liste ».
Quant à l’abstention, traditionnellement au-dessus des 50 % en France aux européennes depuis 20 ans, pourrait-elle baisser ? Le scrutin de liste nationale, le débat suscité par la crise des « gilets jaunes » et l’éventuelle présence d’une liste du mouvement auront-ils pour conséquence de remobiliser les abstentionnistes ? A six mois du scrutin, les deux chercheurs préfèrent ne pas s’avancer sur cette question.
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