* Des milliers de victimes, 21 ans de procédures
* Les avocats des victimes craignent un non-lieu général
Cet article vous a intéressé ? Moins de Biens Plus de Liens ! a besoin de ses lecteurs pour poursuivre son travail, faites un don.
PARIS, 26 octobre (Reuters) - Le parquet de Paris a requis
un non-lieu dans une affaire d'intoxication par l'amiante visant
la société Eternit, ce qui fait craindre aux associations de
victimes et à leurs avocats un enterrement général de ces
dossiers après 21 ans de procédure.
Dans son réquisitoire définitif rendu le 16 octobre et dont
Reuters a obtenu copie, le parquet estime notamment qu'il n'est
pas possible d'établir de date effective de la commission d'une
éventuelle faute et donc d'imputer celle-ci à quiconque.
"Par ailleurs, il n'existe pas en droit français de
responsabilité pénale qui serait collective ou successive,
susceptible d'emporter une co-responsabilité de l'ensemble des
employeurs successifs", lit-on dans ce document.
Le dossier Eternit n'est qu'une des multiples affaires
d'intoxication à l'amiante pour lesquelles le parquet de Paris a
demandé en juin, sur la base des mêmes arguments, la clôture des
investigations.
"Le parquet persiste. Maintenant, nous sommes dans l'attente
d'une ordonnance de règlement, soit un renvoi en correctionnelle
soit, plus vraisemblablement, une ordonnance de non-lieu", a dit
à Reuters Me Sylvie Topaloff, avocate de l'Association nationale
de défense des victimes de l'amiante (Andeva).
"On peut craindre que s'il y a un non-lieu pour Eternit, il
y aura aussi un non-lieu pour les autres dossiers parce que ce
sont les mêmes arguments", a-t-elle ajouté.
Elle déplore que le parquet n'ait tenu aucun compte des
arguments présentés en juin par l'Andeva. Comme les avocats
d'autres associations, elle accuse notamment le parquet et les
juges d'instruction de se fonder sur une mauvaise interprétation
d'un rapport d'experts.
DERNIÈRE CHANCE ?
"Il est curieux que nos observations très étayées pour dire
qu'il y a matière à poursuivre ne sont pas analysées par le
parquet, qui ne prend même pas la peine d'y répondre", déplore
Me Topaloff.
Pour Me Michel Ledoux, autre avocat de l'Andeva, parquet et
juges veulent se "débarrasser" de ces dossiers et un non-lieu
paraît désormais "inévitable dans tous les dossiers d'amiante".
Il ne restera aux victimes, à leurs familles et à leurs
représentants qu'à s'adresser à la chambre de l'instruction de
la Cour d'appel, puis, en cas de confirmation du non-lieu, à la
chambre criminelle de la Cour de cassation, pour faire entendre
leurs propres arguments, souligne-t-il.
"Si la chambre criminelle confirme le non-lieu, il y aura un
scandale sanitaire sans précédent et un scandale juridique",
avertit Me Ledoux.
L'amiante a fait des dizaines de milliers de victimes en
France. Elles meurent encore au rythme de 2.000 à 3.000 chaque
année, 20 ans après l'interdiction de ce produit cancérogène,
selon les estimations.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a
déjà annulé le 15 septembre la mise en examen des principaux
responsables nationaux présumés dans les dossiers université de
Paris-Jussieu et chantiers navals de la Normed - neuf hauts
fonctionnaires, scientifiques et industriels.
Là encore, les avocats des victimes et familles de victimes
ont décidé de se pourvoir en cassation.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)
source
Cet article vous a intéressé ? Moins de Biens Plus de Liens ! a besoin de ses lecteurs pour poursuivre son travail, faites un don.
Commenter cet article