De son observatoire de la Chambre d'agriculture, Jean-Luc Pefau, responsable du service grandes cultures, assiste impuissant au début de moissons qui pourraient s'avérer les pires du siècle. « Ça va très mal : pas de prix, pas de quantité, pas de qualité » résume ce spécialiste.
« Nous avons les premiers échos sur l'orge, dont la moisson a commencé, avec beaucoup de retard. On va manquer de quintaux et l'orge brassicole (destinée aux brasseries, NDLR) n'aura généralement pas la qualité requise et va perdre de la valeur. » Les éléments semblent s'être ligués pour annihiler les efforts des céréaliculteurs, le blé risquant fort de souffrir des mêmes tares que l'orge : il a gelé fin avril et début mai, ensuite il a plu pratiquement sans discontinuer, rendant à peu près vaines les tentatives pour traiter les champs.
Combien de cultivateurs mettront la clef sous la porte ?
« Nous avons eu un printemps exceptionnellement mauvais, froid et humide, le blé et le colza ont la maladie, commente Jean-Luc Pefau. Les maraîchers aussi en ont souffert. Le pois d'hiver est atteint par la bactériose. Ce que votre lecteur voit dans son jardin, c'est la même misère pour le monde agricole à des milliers d'hectares. On a rarement vu autant de mauvaises nouvelles cumulées. »
Ajoutez à ces calamités des cours en forte baisse en raison de la forte production mondiale attendue, et vous aurez une idée de ce qui risque de se passer à l'automne, à l'heure où les agriculteurs perçoivent normalement la rémunération de leur travail. « Le revenu, on oublie. Le prix de la récolte ne paiera pas les charges de l'année, pronostique sombrement Jean-Luc Pefau. Comment les fournisseurs et les banquiers vont-ils réagir ? C'est en septembre qu'on pourra mesurer les dégâts. Des gens vont mettre la clef sous la porte. La grande question, c'est combien ? »
Qui, dans ces conditions peut espérer s'en sortir ? D'abord ceux, rares hélas ! qui ont pu assurer la protection de leur récolte. Encore faut-il qu'ils aient eu les moyens financiers de multiplier les traitements fongicides et qu'ils aient pu intervenir aux bons moments. Ensuite, peut-être, ceux qui ont conservé des parcelles pour le maïs et le tournesol que leur récolte tardive aura pu éventuellement mettre à l'abri de la maladie et du manque de croissance. Trop peu sans doute pour sauver une agriculture déjà bien éprouvée par deux campagnes successives déjà mauvaises.
Vincent Buche
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