Les nouveaux programmes scolaires du CP à la 3e, prévus pour une entrée en vigueur à la rentrée 2016, ont été rejetés à une courte majorité par la communauté éducative lors d’un vote consultatif jeudi soir. Ces programmes, et notamment ceux d’histoire, avaient suscité des débats enflammés au printemps dernier, plaçant le Conseil supérieur des programmes, chargés de leur rédaction, dans une mauvaise posture. La polémique s’était mêlée à la contestation sur la réforme du collège, qui doit aussi entrer en application à la rentrée prochaine. Que signifie ce vote négatif ? Qui s’est prononcé et quelles seront les conséquences ?

La «communauté éducative», c’est qui ?

C’est ce qu’on appelle le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), une instance qui réunit pêle-mêle les syndicats de profs, des cadres de l’Education nationale, des représentants de parents d’élèves, des étudiants, lycéens, des collectivités territoriales… Quand ils sont au grand complet, en formation plénière, ils sont 97. Ils sont amenés à se prononcer sur «les questions d’intérêt national» concernant l’éducation.

Qu’ont-ils dit sur les nouveaux programmes ?

Avant le vote définitif, il y a d’abord eu deux jours de débat, avec la possibilité pour les uns et les autres de déposer des amendements, et ainsi faire bouger quelques lignes. Comme cet amendement voté in extremis jeudi soir, et déposé par le président du Conseil supérieur des programmes (une sorte d’auto-amendement, donc) rajoutant la traite et l’esclavage au programme d’histoire du cycle 3 (CM1-CM2-6e).

Il y a aussi eu, mercredi, le drôle épisode autour de la dictée. La ministre avait claironné le jour de la remise officielle des nouveaux programmes que désormais tous les enfants feraient une dictée quotidienne pour renforcer l’apprentissage des fondamentaux. Une manœuvre politique qui n’a échappé à personne, pour clouer le bec à la droite et faire diversion sur les programmes d’histoire. Prenant la ministre au mot, le Snalc, un syndicat conservateur, a déposé un amendement visant à mentionner de manière explicite la pratique de la «dictée quotidienne»… Résultat, tempête le Snalc : le ministère s'est prononcé contre l'amendement, la preuve d’une «communication de la ministre purement mensongère».

Qui a voté contre ?

Une fois le jeu des amendements terminés, les membres du CSE ont été invités à se prononcer sur la version finale (les programmes scolaires dans leur intégralité donc). Résultat : 18 voix pour, 21 contre et 12 abstentions. Le ministère précise que 51 membres étaient représentés sur les 97. Parmi les contre : le Snes-FSU (principal syndicat des enseignants du secondaire), FO, SNEP, la CGT et le Snalc. Les syndicats SE-Unsa, Sgen-CFDT, SNIA-IPR, SNPDEN ainsi que les fédérations de parents d’élèves Peep et Apel (privé) ont voté. Le SNUipp-FSU, la fédération de parents FCPE et les organisations d’étudiants Unef et Fage se sont abstenus.

Quelles seront les conséquences ?

Sur le plan du droit, aucune. Cette instance est consultative. Donc les avis rendus n’engagent pas le gouvernement. Il arrive d’ailleurs régulièrement que le CSE se prononce contre des réformes, et qu’elles soient quelques mois plus tard mises en œuvre. Les derniers programmes scolaires (ceux de 2008) avaient, par exemple, été rejetés par le CSE de l’époque…

Ceci dit, politiquement, c’est une autre paire de manches. Vendredi, en début d'après-midi, la ministre Najat Vallaud-Belkacem n’avait pas encore réagi officiellement. Ce désaveu du CSE la place dans une situation délicate. Il s’inscrit dans un contexte tendu, avec une contestation contre la réforme du collège encore vivace – une nouvelle manifestation est d’ailleurs prévue samedi, à Paris.

Au plus fort de la tempête, en mai, Najat Vallaud-Belkacem s’était appuyée sur le vote du CSE, qui s’était prononcé pour la réforme du collège (malgré l'opposition des principaux syndicats enseignants) pour asseoir la légitimité de son projet. La ministre s’était abondamment servie de ce vote pour fermer le clapet à ceux qui demandaient l’abandon du projet. «La réforme a été validée par la communauté éducative, elle s’appliquera», a-t-elle répété à plusieurs reprises. Cette fois, ce sera plus compliqué.

Marie Piquemal