Atlantico : Une nouvelle technologie propose de dépigmenter les yeux pour éclaircir l'iris jusqu'au résultat désiré : tout d'abord est-ce que cela fonctionne vraiment ? Sur le long terme n'y a-t-il pas une repigmentation progressive des yeux, comme une forme de cicatrisation ?
Dr. Marc Timsit : L’iris comporte plusieurs couches. La couche la plus superficielle lui donne sa couleur car elle contient des cellules, les mélanocytes, qui renferment du pigment en plus ou moins grande quantité. Cela fait qu’un oeil peut être brun ou noisette, vert s’il a moins de pigment ou bleu s’il est dépourvu de pigment. Le laser Yag utilisé pour dépigmenter l’iris n’est pas nouveau.
Il a a été mis au point il y a trois décennies. Il est utilisé en routine pour traiter des structures internes de l’oeil sans ouverture chirurgicale, dans les suites d’une opération de cataracte ou pour traiter certains glaucomes. On peut donc concevoir qu’enlever, grâce à ce laser, la couche superficielle de l’iris, enlève du pigment, rendant l’oeil plus clair. Il ne s’agit donc pas d’une coloration mais d’une dépigmentation qui donne en pratique à l’oeil un aspect délavé, sans éclat, non naturel, plus grisâtre que bleu et qui peut être décevant.
Le processus présente-t-il des dangers ? Et si l’œil est gêné par la lumière, peut-on revenir sur la dépigmentation ?
L’ effet est irréversible, on ne peut pas revenir en arrière car on ne peut pas rajouter du pigment et retrouver sa coloration initiale.
Les dangers en sont multiples : le pigment de l’iris permet à la rétine de se protéger de la lumière et des ultraviolets. C’est pourquoi l’évolution de l’homme a entraîné des yeux plus foncés chez les Africains, plus clairs dans les populations nordiques. Enlever du pigment risque d’entraîner un éblouissement définitif, incurable, obligeant à porter des verres solaires teintés en permanence ce qui met un certain bémol à l’effet esthétique recherché. Cela peut aussi entraîner une souffrance de la rétine surexposée à la lumière.
Le pigment, pour s’évacuer, passe à travers un filtre, le trabéculum, dans l’angle entre l’iris et la cornée. Il peut donc boucher ce filtre qui sert en temps normal à l’évacuation de l’humeur aqueuse en dehors de l’oeil. Ce qui peut entraîner une augmentation brutale de la tension oculaire, responsable d’un glaucome aigu pouvant aboutir à une cécité irréversible en quelques heures. L’accumulation de pigment peut aussi entraîner une augmentation chronique de la tension oculaire responsable d’un glaucome chronique. Le glaucome chronique est l’une des toutes premières causes de cécité dans le monde, par atrophie progressive du nerf optique.
Le pigment libéré dans l’oeil peut aussi être à l’origine d’une inflammations oculaire chronique entraînant des problèmes de vision pouvant conduire à une cécité totale.
Commenter cet article