Lors du meeting qu'il a tenu ce mercredi à Toulouse, Nicolas Sarkozy a notamment avancé quelques-unes de ses propositions concernant l'éducation. Au programme ? La suppression de 30% des postes de prof, contre une augmentation de leur rémunération de 30%. Pour notre chroniqueur Jérôme-Olivier Delb, cela n'a aucun sens.
Depuis le discours de Latran en 2007, on le savait, Nicolas Sarkozy n’a pas une haute estime de l’école et de ses professeurs :
"Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur."
Dans son meeting de Toulouse, ce 8 octobre 2014, l’ancien président s’en est encore pris aux enseignants estimant que la France ne pouvait plus en entretenir un million et qu’il fallait pour cela en supprimer 30%. Pour que ceux qui restent, ils devront travailler plus (30%) pour gagner plus (30%). Une proposition réaliste ou démagogique ?
Passer à 3209 euros par mois en moyenne ?
Alors qu’il avait déjà supprimé 80.000 postes d’enseignants pendant son quinquennat, Nicolas Sarkozy en a donc remis une couche hier à son meeting.
Regardons d’abord quelques chiffres. Selon les statistiques du ministère de l’Éducation nationale, la France n’a pas un million d’enseignants mais environ 840.000 dont 704.000 dans le public. L’ancien président ne souhaitant sûrement pas se mettre à dos les quelques 136.000 enseignants (et parents d’élèves) du privé, il faudrait donc supprimer 30% des 704.000 soit environ 211.200 chômeurs de plus.
Selon les chiffres de l’OCDE, les enseignants français sont sous-payés en comparaison des autres pays européens. En mai dernier, l’éducation nationale dans une opération de transparence a livré les chiffres de rémunération du personnel enseignant : 2469 euros net par mois avec une très grande disparité allant de 1658 euros à 7052 euros selon le niveau, l’ancienneté.... Si Nicolas Sarkozy souhaite augmenter les salaires de 30%, la moyenne nette s’élèvera donc à 3209 euros par mois.
Les prof vont en souffrir
Donc aujourd’hui, 704.000 enseignants à 2469 euros coûtent environ 1.738.176.000 d'euros par mois à l’État, et si l’on prend la proposition de Sarkozy, soit 30% d’enseignants en moins (492 800) et un salaire de 30% en plus (3209 euros), le coût par mois s’élèverait à 1.581.395.200 d'euros – soit une économie de 156.780.800 d'euros (soit une économie de moins de 3% du budget de l’Éducation nationale à l’année) et cela sans compter le coût des licenciements et le chômage des 234.000 enseignants licenciés. Car Nicolas Sarkozy parle bien de supprimer des postes et non pas simplement de ne pas créer de postes.
Par ailleurs, si l’on prend cette fois, la moyenne d’élèves par classe qui varie de 20 à 30 selon l’INSEE, la suppression de 30% d’enseignants reviendrait à augmenter de 30% les classes soit de 26 à 39 élèves par classe.
La proposition est d’autant plus irréaliste que l’éducation nationale cherche des enseignants qu’elle ne trouve pas, notamment en Seine-Saint Denis où Pôle Emploi en vient même à faire du démarchage téléphonique pour recruter.
Arrêter de payer les enseignants du privé
À regarder les chiffres et seulement les chiffres, la proposition de Nicolas Sarkozy n’est pas réaliste, ne permet pas de faire d’économie et rendrait le travail des enseignants encore plus difficile qu’il ne l’est déjà. Une telle mesure n’a pour vocation que de rassembler son camp, celui qui n’aime pas l’école républicaine et qui voue une haine aux fonctionnaires et aux enseignants. Cette proposition est démagogique.
Si l’on veut faire vraiment des économies à l’Éducation nationale, il suffirait pour cela – non pas d’interdire l’école privé, chacun est libre de mettre ses enfants là où il le veut – mais tout simplement que l’État arrête de payer les enseignants relevant de l’enseignement privé.
L’abrogation de loi Debré de 1959 et de la loi Carle permettrait à l’État et aux collectivités de faire de nombreuses économies. Les dérives constatées à l’établissement catholique Gerson ne font que renforcer l’idée que la seule école qui permet l’émancipation et l’instruction des élèves est laïque et donc républicaine.
Par Jérôme-Olivier Delb
Chroniqueur politique
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